Boris de Schlœzer naît en Russie, à Vitebsk, le 8 décembre 1881. Il émigre en 1921 à Paris, où il meurt le 7 octobre 1969. Il traduit et commente la littérature russe (Gogol, Dostoïevski, Chestov) et consacre plusieurs ouvrages à des compositeurs russes (Stravinsky, mais aussi Scriabine, dont il fut le beau-frère par sa sœur Tatiana). Ses critiques musicales dans La Nouvelle Revue française et La Revue musicale portent sur toute la musique contemporaine de son temps (Problèmes de la musique moderne, 1959). Son ouvrage Introduction à J.-S. Bach (1947) est un essai d’esthétique musicale à part entière.
Le choix de consacrer son ouvrage majeur à Bach souligne le refus de Boris de Schlœzer d’une conception subjectiviste de la musique. Les propriétés de l’œuvre musicale ne résident pas principalement dans les émotions qu’elle susciterait chez l’auditeur, ou dans les affects que le compositeur exprimerait. Schlœzer prend pour ainsi dire le parti pris de l’œuvre. Celle-ci est autonome et ne découle ni de ses conditions historiques, ni de ses modèles. Le critique musical est ainsi conduit à la thèse paradoxale selon laquelle l’auteur serait le produit de son œuvre : il est « la créature de sa création » (Nicolas Gogol, 1972). Le moi individuel et biographique ne crée pas l’œuvre d’art, mais le « moi mythique » qui peut devenir, comme dans le cas de Gogol, le « frère ennemi » du premier. Refusant toute réduction de l’œuvre à son auteur, Schlœzer refuse par exemple de voir dans les écrits théoriques de Scriabine une raison de ses compositions, mais en fait – parfois contre l’évidence chronologique – l’écho de ses créations musicales…