Couverture de DEC_BOZZO_2011_01

Chapitre d’ouvrage

Introduction

Pages 9 à 30

Notes

  • [1]
    Première chaîne satellitaire panarabe, Al Jazeera a été lancée le 1er novembre 1996 par le cheikh Hamad bin Khalîfa Al Thâni, émir du Qatar, et est basée à Doha au Qatar. Sa création par le cheikh Al Thâni, qui venait d’arriver au pouvoir en renversant son père, visait à rompre la mainmise des Saoudiens sur le paysage médiatique international arabe, à briser le contrôle des gouvernements arabes sur l’information nationale et, donc, à libéraliser le paysage médiatique arabe. La chaîne, qui s’était posée en alternative à l’information américaine lors de la guerre en Irak de 2003, s’est peu à peu transformée en cauchemar des gouvernements autoritaires arabes (à l’exception notable du Qatar dont la politique intérieure n’est jamais évoquée).
  • [2]
    Oberschall A. (1973), Social Conflict and Social Movements, Englewood Cliffs, Prentice Hall.
  • [3]
    Ben Néfissa S., « Ces 18 jours qui ont changé l’Égypte, Révolution civile et politique », in revue Tiers Monde, Armand Colin, à paraître en avril 2011.
  • [4]
    Rendue possible grâce au concours substantiel du CNRS et de l’Université Roma Tre.
  • [5]
    Cf. Références bibliographiques en fin d’introduction.
  • [6]
    Cf. la bibliographie sur le sujet.
  • [7]
    Pierre-Jean Luizard (dir.) (2006), Le Choc colonial et l’islam. Les politiques religieuses des puissances coloniales en terres d’islam, La Découverte, Paris.
  • [8]
    Kerrou M. (dir.) (2002), Public et Privé en Islam, IRMC, Maisonneuve & Larose, Paris.
  • [9]
    Jean Leca (2003), « De la lumière sur la société civile », in Sudipta Kaviraj et Sunil Khilnani (dir.), Civil Society, History and Possibilities, Cambridge University Press & New Delhi, Foundations Books, Cambridge.
  • [10]
    « Le féminisme islamique aujourd’hui », Critique internationale, 46, Presses de Sciences Po, janvier-mars 2010.
  • [11]
    Salamé Gh. (dir.) (1994), Démocratie sans Démocrates. Politiques d’ouvertures dans le monde arabe et islamique, Fayard, Paris.
  • [12]
    Benchikh M. (2009), Constitutions démocratiques et réalités autoritaires au Maghreb : la démocratie de façade, in Benachour Y., Henry J.-R., Mehdi R. (dir.), Le débat juridique au Maghreb : de l’étatisme à l’État de droit : études en l’honneur de Ahmed Mahiou, Publisud, Paris, IREMAM, Aix-en-Provence, p. 242–259. Nous devons cette expression à ce juriste algérien, qui l’a affinée au cours de ses études, pour en faire une catégorie juridique valable pour tout le Maghreb. Voir aussi : Id., (2003), Algérie : un système politique militarisé, L’Harmattan, Paris.
  • [13]
    Le consensus de Washington est un corpus de mesures standard appliquées aux économies en difficulté face à leur dette (notamment en Amérique latine) par les institutions financières internationales siégeant à Washington (Banque mondiale et Fonds monétaire international) soutenues par le Département du Trésor américain. Issu de l’idéologie de l’école de Chicago, il a été théorisé en 1989 par l’économiste John Williamson sous la forme de dix propositions.
  • [14]
    Aujourd’hui, le REMDH compte environ 80 associations-membres statutaires et a ouvert des bureaux à Bruxelles et à Paris, avec des antennes à Amman, Rabat, Le Caire, et une mission à Tunis. Les membres travaillent en workshops et participent activement à des actions de plaidoyer et de dénonciation des violations des droits humains auprès des institutions européennes et de l’opinion publique internationale.
  • [15]
    L’Observatoire et le REMDH ont une action remarquable de monitoring dans les révolutions en cours, après être intervenus pour dénoncer la répression dans les pays concernés.
  • [16]
    Khemaïs Chammari, qui a eu lui-même à pâtir du régime de Ben Ali, a été nommé ambassadeur de Tunisie auprès de l’Unesco par le nouveau pouvoir tunisien.
  • [17]
    Jean Leca, contribution aux Journées de Rome de mai 2009.

1Oui, tout le monde a été pris de court. La vague révolutionnaire qui balaie le monde arabe depuis le mois de janvier 2011 a surpris chacun : les intéressés eux-mêmes, autocrates au pouvoir depuis des décennies comme manifestants, chancelleries, et, aussi, les chercheurs, dont c’est pourtant la mission de décrypter et d’analyser.

2Mais qui aurait pu dire que l’immolation par le feu de Mohammed Bouazizi, un jeune Tunisien de 26 ans, en signe de protestation contre la confiscation de sa charrette par la police de Sidi Bouzid, dans le centre du pays, allait être l’étincelle qui devait aboutir à un bouleversement majeur dans le monde arabe ? Que de Casablanca à Bahreïn, en passant par la Tunisie, l’Égypte, la Libye, le Yémen, la Jordanie, la Syrie, Oman et même le « démocratique » Irak, se verraient emportés par la tourmente ? La chute du régime de Ben Ali en Tunisie, suivie de celle de Moubarak en Égypte, le cœur du monde arabe, semble sonner la fin imminente d’un ordre qui avait dominé ce monde depuis les années 1960. Avec quelques records mondiaux : le plus ancien Premier ministre non élu à Bahreïn (depuis 1971), le plus ancien dirigeant, hormis peut-être Fidel Castro, à la tête d’un pays en Libye (Kadhafi, depuis 1969), les trente années de règne de Moubarak en Égypte, les trente-trois ans de pouvoir d’Ali Saleh au Yémen… Régimes militaires, unanimisme, parti unique, autocratie, népotisme et clientélisme généralisés, qui régnaient en maîtres sur des sociétés vaincues et réduites au silence, semblent avoir vécu.

Les signes avant-coureurs

3Certes, il y avait eu des signes avant-coureurs : les émeutes contre les pénuries en Algérie (octobre 1988), vite transformées en insurrection des jeunes contre le régime, les soulèvements à Bahreïn (les années 1990), les émeutes du pain en Jordanie (1996) et en Égypte (2008), celles dans le bassin minier de Gafsa en Tunisie (2008). Sans parler de Kefâya ! (Assez !) (2004–2005), le mouvement égyptien apparu pendant la campagne de l’élection présidentielle qui aboutit à la énième élection de Moubarak. Il regroupait, à titre individuel, des personnes de diverses obédiences : marxistes, nationalistes arabes, libérales et islamistes. De même, le mouvement Vert en Iran, dont l’apogée a été le refus de la réélection d’Ahmadinejad (2009).

4De tous ces mouvements, il n’a pas échappé aux observateurs avertis qu’octobre 1988 à Alger a été, malgré son échec, le premier, celui qui a ouvert la voie à cette nouvelle série de protestations. La mémoire de cet échec explique que les quelques épisodes de révolte en Algérie, le 5 janvier 2011, qui ont fait pourtant des morts et des blessés, avec l’immolation de plusieurs jeunes, sont restés sans suite. Le souvenir des jeunes manifestants fauchés à la mitrailleuse lourde ou torturés dans les geôles par la police secrète la plus puissante du monde arabe continue à hanter la société algérienne, qui a déjà payé un prix très élevé de sang et de violences physiques et morales, surtout si l’on y ajoute le tribut représenté par les 200 000 victimes de la décennie noire, connue comme la « sale guerre » (1992–2002). Atomisée, divisée, traumatisée, la société algérienne s’est montrée apparemment en retrait par rapport à la vague impétueuse qui a secoué la plupart des capitales arabes, alors que la société est en effervescence et que de nombreuses mobilisations sont en cours. Pour les mêmes raisons, ce n’est pas par hasard si la société syrienne, confrontée à une justice contrôlée par l’État et qui n’hésite pas à arrêter les jeunes mineurs et réprime sans pitié toute velléité de contestation, a été la dernière à bouger. La répression des soulèvements de 1982 reste gravée dans les esprits.

5Parmi les prodromes de la révolte actuelle, nous ne devons pas oublier la réussite du Mali. Ce qui avait été, il y a vingt ans, un cas isolé, nous apparaît aujourd’hui comme un autre signal fort d’un mouvement de fond. En 1991, c’était déjà les jeunes qui furent à l’origine de l’insurrection qui mit fin à vingt-trois années de dictature et permit l’instauration d’une démocratie parlementaire décentralisée et laïque avec l’adoption d’une nouvelle constitution et la tenue d’élections libres et transparentes en avril 1992. Danielle Jonckers, qui avait déjà signalé le caractère populaire, spontané et sans dimension religieuse majoritaire du mouvement, rappelle dans cet ouvrage l’importance de cette insurrection, qui se solda par le sacrifice de nombreux jeunes manifestants, tués par balles.

Un mouvement de fond révolutionnaire

6Le caractère extraordinaire de cette vague n’est pas seulement dans le fait qu’elle s’est produite à ce moment précis. C’est surtout sa forme qui a laissé pantois : un mouvement de jeunes, qu’aucun parti, aucune association ne peut se targuer d’avoir préparé et encore moins dirigé – même si l’on peut dire que nombreuses ont été les organisations, politiques et autres, qui étaient en éveil et qui l’ont aussitôt accompagné. Elle se fait sans dirigeant (une première dans le monde arabe) et, pourtant, témoigne d’une unité incroyable dans les mots d’ordre : liberté, fin de l’autocratie, refus de la corruption, du népotisme, refus de la misère sociale, du chômage. Partout, c’est la même exigence de liberté, de dignité et de respect. Incroyable aussi, par le degré de responsabilité : sans organisation, les immenses manifestations de la place Tahrir au Caire ont été pacifiques, sans débordements, avec des mots d’ordre consensuels. Le rôle des réseaux sociaux, surtout Facebook et Twitter, est devenu un élément central dans la mobilisation et dans la diffusion de mots d’ordres repris par tous, y compris les islamistes, qui ont intégré le mouvement en marche. De façon symbolique, l’une des figures émergeant du mouvement égyptien est le directeur commercial de Google, Waël Ghonaym. C’est lui qui, en compagnie d’autres internautes, a été reçu par la junte militaire au pouvoir depuis la démission de Moubarak, officiellement pour organiser la transition vers la démocratie. Cependant, les réseaux sociaux n’ont pu, en tant que tels, être le seul moteur des centaines de milliers de manifestants vers la place Tahrir. D’autres facteurs interviennent ici, qui ont rendu possible une telle action collective. C’est l’analyse de ces facteurs qui nous amène à la question de la société civile, qui a motivé cet ouvrage.

7Comment expliquer la vague qui submerge le monde arabe ?

81. Il y a d’abord le fossé culturel qui s’est creusé entre les générations, encore élargi par la scolarisation généralisée dans tous les pays de la région. Ce que leurs aînés avaient supporté, les jeunes gens éduqués ne le supportent plus. L’individualisme consumériste, qui les mène sur la toile à la recherche des jeunes de tous pays, y compris occidentaux, leur a donné le courage, grâce à un immense public virtuel et solidaire, de défier le mur de la peur. Derrière eux, c’est toute une population qui s’est soulevée – souvent pour des motifs qui ont peu à voir avec ceux des jeunes internautes – mais autour d’une même notion : la dignité.

92. Pour les générations les moins jeunes, la conception de l’État qui prédominait, par delà les expériences coloniales, était (sauf pour le Maroc) celle héritée de l’Empire ottoman. On ne lui demandait pas de ménager un espace public, mais de protéger les biens et de maintenir l’ordre, tout en respectant ce qui demeurait des corps intermédiaires (corporations, ulémas, associations, notamment de charité). C’est cela qui a changé : désormais, l’exigence majoritaire de la société la conduit à interpeller l’État, mettant celui-ci dans l’obligation de respecter espace public et droits humains. C’est aussi une rupture avec une certaine conception traditionnelle de la charité : face à la flambée des prix des denrées alimentaires, qui a joué un rôle décisif dans les soulèvements, on s’en prend à l’État. C’est à lui qu’il revient d’agir pour que le marché ne tue pas l’espace public.

103. Les droits humains apparaissent désormais comme une revendication générale : tout le monde s’en réclame. Les islamistes se retrouvent ici dans leur majorité aux côtés des défenseurs des droits de l’homme. Et ce n’est pas un hasard : ces derniers ont été les seuls à avoir protesté, des années durant, contre la détention inique qui les avait frappés, en dénonçant les violations des droits dont ils avaient été les principales victimes. Il n’y a que l’expérience directe de ces violations dans sa propre chair qui donne aux victimes la conscience des droits universels de la personne, que partagent donc aujourd’hui de nombreux membres du mouvement religieux. Les États ne sont pas en reste : ici et là, les pouvoirs les plus autoritaires tentent d’accaparer à leur profit la rhétorique des droits humains qu’ils bafouent pourtant allègrement.

114. Autre point frappant : dans les manifestations, on a brandi les drapeaux du pays et, dans le cas de la Libye, le drapeau d’avant la prise du pouvoir par Kadhafi. Cela signifie que le cadre étatique national, même imparfait, est désormais le cadre légitime pour les revendications. On ne se réfère ni à la nation arabe ni à l’umma islamique. C’est, d’une certaine façon, le triomphe de l’État-nation, membre de la communauté internationale, dans sa conception héritée de l’Europe. Même si le mouvement est arabe, dans l’effet domino qu’il suscite, il s’inscrit, pour chacune de ses expressions nationales, dans les limites et les frontières du pays. Cela explique aussi, sans doute, l’absence de slogans hostiles à Israël ou aux États-Unis, dans les traditionnelles dénonciations de la politique américaine : c’est d’abord entre soi et soi que le mouvement se fait. C’est probablement la raison pour laquelle les différences d’un pays à l’autre (segmentarisation tribale et régionalisme en Libye et au Yémen, rapports sunnites/chiites à Bahreïn, clivages sunnites/alaouites en Syrie) seront aussi un élément essentiel pour définir la portée des bouleversements qui semblent ne pas devoir s’arrêter.

Révolutions arabes et société civile

12Dans les révolutions arabes qui se succèdent à un rythme effréné en ce début 2011, les sociétés civiles semblent donc bien impliquées, même si elles n’y sont pas toujours selon les modes analysés dans ce volume. Les auteurs, sauf exception, se réfèrent généralement à une conception de la société civile qui est « organisée » et institutionnalisée : associations, ONG, syndicats, entreprises… Si certaines structures ont pu jouer un rôle ici et là (l’UGTT en Tunisie par exemple), le fait majeur des révolutions arabes est leur caractère spontané et inorganisé (ce qui ne signifie pas qu’elles soient anarchiques ou porteuses de chaos). Il y a une alchimie exceptionnelle entre différents ingrédients qui ont trouvé un catalyseur commun dans les réseaux sociaux comme Facebook, Twitter, et certains médias dont Al-Jazeera[1], dirigé depuis le Qatar par un proche des Frères musulmans. Facebook, Twitter et Al-Jazeera sont-ils les vrais leaders des soulèvements ? Force est de constater que les associations semblent avoir vécu, de plus en plus remplacées, surtout chez les plus jeunes, par les réseaux sociaux d’Internet, les blogs, la téléphonie mobile. De façon certaine, ils ont, avec certains médias satellitaires indépendants, donné à ces soulèvements l’élan initial nécessaire (le mur de la peur est d’abord tombé en Tunisie), la désignation des lieux symboliques à investir comme « premier espace public libéré » (place Tahrir au Caire, place de la Perle à Manama, place des Martyrs à Alger), des mots d’ordre (focalisés sur la demande de changement, de chute des gérontocraties, de liberté et de dignité, de refus de la corruption). En Égypte, notamment, les nouveaux médias ont été à l’origine de nouvelles mobilisations collectives. S’ils n’ont pu être, à eux seuls, à l’origine des soulèvements, ils ont sans doute catalysé et relayé ce moment vertigineux où tous les ras-le-bol (Kafâ ! ou Kefâya ! Ça suffit ! Erhal ! Dégage ! Khalâs ! C’est fini !) se sont fédérés dans un mouvement irrépressible que les sociologues des mouvements urbains et des émeutes ont déjà analysé. Ainsi, pour le sociologue américain Anthony Oberschall, la société civile ne se réduit pas à sa forme organisée et institutionnalisée. Les actions collectives peuvent aussi en être une manifestation. Si on le suit, on peut effectivement dire que Ben Ali et Moubarak, par exemple, ont été renversés par la société civile. Une première dans le monde arabe !

13La théorie d’Oberschall peut s’avérer très utile pour comprendre les événements advenus dans les pays arabes comme la Tunisie ou l’Égypte. Dans son ouvrage Social Conflict and Social Movements[2], il analyse les processus de passage à l’action, ce qui l’amène à imaginer un modèle complexe visant à comprendre les mobilisations populaires. Les traits de ces mobilisations dépendent du mode d’intégration sociale. En effet, il ne peut, selon Oberschall, y avoir de mouvement social que là où préexiste de l’organisation sociale. Le mode d’intégration sociale se définit à partir de deux dimensions : la dimension verticale (le type de relations avec le pouvoir) et la dimension horizontale (le type de socialisation à la base). Pour ce qui a trait à la dimension verticale, il est des sociétés où des liens existent avec le pouvoir : celui-ci n’est pas coupé de la société civile (on parle de société intégrée) ; le pouvoir reçoit ses demandes. D’autres exemples manifestent un pouvoir politique dissocié de la société (société segmentée). Pour ce qui a trait à la dimension horizontale, certaines sociétés connaissent des structures traditionnelles ; d’autres, des structures modernes volontaires. L’originalité d’Oberschall est de croiser ces éléments pour dégager des idéaux-types de sociétés, que l’on définirait aujourd’hui comme globales, et définir des types de résistance à la domination.

14La première condition pour un passage à l’action collective est qu’il y ait des liens particuliers entre les protestataires (dimension horizontale) et absence d’accès des protestataires à l’État (dimension verticale). Au sein des sociétés modernes, fortement stratifiées du fait de la division sociale des tâches, l’intégration verticale peut se révéler très forte. Il en est ainsi, par exemple, lorsque toutes les couches de la population ont accès au pouvoir à travers les représentants qu’elles se donnent librement, à travers leurs associations de défense et leurs groupes de pression, mais aussi à travers les médias et, depuis peu, les réseaux sociaux. Tel n’est évidemment pas le cas des pays arabes. Les conditions minimales d’une protestation collective sont l’existence d’objectifs communs et la commune identification des personnes qui vont être tenues pour responsables des conditions d’existence insatisfaisantes. Mais, observe Oberschall, ces conditions réunies permettent tout au plus des formes éphémères de protestation. Pour qu’une revendication ou une résistance se prolonge, il faut une base organisationnelle et une continuité dans la direction du mouvement. C’est alors qu’il identifie deux catégories de facteurs structurels propices à la mobilisation. La première relève d’une dimension horizontale de l’intégration au groupe. Dans les sociétés traditionnelles, ce sont les solidarités de village, de tribu, de confrérie ; elles sont réactivées par l’allégeance à des leaders reconnus, par l’appartenance à des réseaux de relations sociales. Ainsi, ne peut-on pas dire que les tribus participent de la société civile dans des pays comme l’Irak, le Yémen ou la Libye ? Dans les sociétés plus différenciées, il existe des structures de solidarité de type associatif. Ce sont les groupes d’intérêts d’ordre économique, professionnel, religieux, civique. La seconde catégorie relève également d’une dimension horizontale de l’intégration au groupe. Cela concerne le degré de stratification et de segmentation de la société globale, c’est-à-dire la nature des liens qui rattachent les groupes entre eux.

15Or, c’est bien la conjonction extraordinaire d’une partie de ces catégories, horizontale et verticale, qui a permis l’embrasement du monde arabe. La mobilisation des ressources de la société civile « inorganisée » s’est faite à la fois sur des bases de solidarités de groupes familiaux, tribaux, de quartier, régionaux, mais aussi professionnels, associatifs et d’individus. Elle a été rendue possible à partir d’une alliance entre des groupes traditionnels (les tribus, notamment au Yémen et en Libye) avec des forces modernistes (les jeunes éduqués, les associations, les corporations). Elle s’est faite aussi, non pas sur la base d’un accès au pouvoir, mais justement en dénonciation de son inaccessibilité, rendue insupportable par l’accessibilité des réseaux sociaux et d’Al-Jazeera.

16Il n’en reste pas moins qu’il faudra bien une traduction politique à cette société civile. Et là, la présence en force des armées arabes, avec un rôle traditionnellement central, semble bien le principal défi : État dans l’État, elles ont acquis des privilèges qu’elles abandonneront difficilement. Il faudra également gagner la confiance des grandes puissances et des pays voisins, qui ne sont pas toujours favorables à ces révolutions (Bahreïn). L’intégration de la mouvance religieuse (islamiste) est une gageure : de sa faisabilité ou non dépend le caractère réellement démocratique du changement [3]. Autre challenge, le renouvellement des élites capables de remplacer celles des régimes autoritaires et de constituer de nouveaux gouvernements : elles sont souvent peu nombreuses et difficiles à identifier, au-delà de quelques porte-parole autoproclamés. C’est le propre des régimes autoritaires que de ne préparer aucune relève. Leur politique du vide a des conséquences pratiques sur le renouvellement du personnel politique.

Les Journées d’études de Rome

17Les révolutions sont imprévisibles. Les articles de ce volume ont tous été écrits avant les événements. La plupart sont le fruit des débats animés qui ont eu lieu lors des Journées d’études organisées à Rome les 14 au 16 mai 2009 par le Groupe Sociétés, Religions, Laïcités (GSRL, UMR 8582 CNRS/EPHE) et l’Université Roma Tre sur L’essor de la « société civile » dans le monde musulman contemporain. Paradoxes et convergences. Ces Journées avaient jeté les bases de plusieurs problématiques, sur lesquelles d’autres collègues nous ont rejoints par la suite. Nous ne savions pas alors que ces débats seraient d’une telle actualité au moment de la publication des actes [4].

18Cependant, les auteurs qui participent à cet ouvrage n’ont pas été les derniers à analyser les ressorts des régimes autoritaires arabes [5], en phase avec ces chercheurs qui ont lancé très tôt de nombreux avertissements : François Burgat, Michel Camau, Olivier Roy et d’autres [6] avaient mis en lumière les mécanismes de la « malédiction » semblant condamner les pays arabes à des régimes autoritaires. Il s’agissait, pour nous, de décrypter les fondements de l’autoritarisme à travers la problématique de la société civile. Certes, nous n’avions pas prévu les événements de 2011. Plusieurs explications peuvent en être avancées : d’abord, ce fossé générationnel déjà évoqué, qui rend plus difficile, pour un chercheur d’une tranche d’âge plus avancé, de se mettre dans la peau des jeunes. Les jeunes manifestent par ailleurs un haut degré de la pluralisation en cours dans les sociétés, ce qui rend les mouvements d’ensemble peu cernables, au-delà de l’individualisme consumériste. Enfin, il y a cette part de mystère de l’histoire qu’il est possible de revendiquer comme excuse : tout n’est pas prévisible, surtout les mouvements les plus spectaculaires comme les soulèvements.

19Les analyses contenues dans ce livre sont d’autant plus précieuses qu’il s’agira, après la fièvre révolutionnaire, de reconstruire des systèmes politiques, là où une certaine réalité « visible » reprendra le dessus. En revenir aux questions qui vont s’avérer au cœur des problématiques des transitions en cours, initialement formulées lors des Journées de Rome, est donc plus essentiel que jamais.

Les sociétés civiles dans le monde musulman ?

20D’abord, le concept de « monde musulman » est-il pertinent ? Il suggère une unité politique et culturelle qu’il est loin d’avoir. Il n’y a pas un, mais des islams et, à l’intérieur de chaque pays, la religion musulmane se décline sur une vaste palette de pratiques et de choix. Pourtant, la colonisation, la ressource constituée par l islam pour les besoins de la lutte anticoloniale [7], la prégnance des conceptions issues du réformisme musulman, en réaction à la domination européenne, le rôle des armées dans chaque État, l’unanimisme et le parti unique ont été ou sont encore le lot de la plupart de ces pays. Le face-à-face entre des régimes autoritaires, souvent militaires, et des mouvements islamistes exclus du jeu politique semblait, ici et là, la configuration dominante. Les revendications d’une société civile religieuse ne sont-elles pas là plus présentes qu’ailleurs ? Aussi paraît-il pertinent de se demander : n’existe-t-il pas une spécificité musulmane dans le rapport au politique, mais aussi à l’économique et au social ?

Qu’est-ce que la société civile ?

21La seconde question au centre de nos débats concernait évidemment la société civile dans sa définition par rapport à ce monde arabe et musulman. Qu’est ce que la société civile ? Ne vaudrait-il pas mieux parler d’espace public ou de citoyenneté ? Un constat s’impose : à l’heure actuelle, dans notre monde marqué par la globalisation et, a fortiori, dans le monde arabe et musulman, tous les acteurs plus ou moins inclus dans un univers associatif de type moderne se réclament de la « société civile », sans se soucier des glissements sémantiques que ce terme a connus tout au long de trois siècles d’histoire de la pensée occidentale (Vatin). On se doit de constater que cette expression, dans son usage courant, plutôt « technique », recouvre aujourd’hui, dans les pays d’islam d’Afrique et d’Asie, non seulement le phénomène associatif au sens large, dont l’existence se définit dans le vis-à-vis avec l’État, le plus souvent en opposition à celui-ci, mais une réalité plus articulée et complexe. Une réalité faite d’initiatives locales et de quartier, allant de la bienfaisance au business, par le biais de comité locaux, autour ou en absence de personnalités charismatiques, dans des lieux traditionnels (les mosquées), ou dans les nouveaux espaces de sociabilité de la vie urbaine moderne [8]. Ce phénomène associatif coïncide avec l’émergence de l’individu dans un processus de modernisation et de différenciation de la société. D’où notre volonté d’aller creuser dans le passé pour situer la genèse de ce phénomène et l’analyser dans la durée, jusqu’à ses développements les plus récents (Bozzo). Faute de pouvoir prendre en compte ce processus dans son ensemble, à cause de l’état de la recherche, qui n’a produit que des monographies encore trop rares sur le sujet, nous avons pu néanmoins rassembler quelques cas d’études qui illustrent les débuts du mouvement associatif sur la rive sud de la Méditerranée, notamment en Algérie et en Égypte (Bozzo, Petricca), les dynamiques à l’œuvre que laissent entrevoir la naissance d’une nouvelle sociabilité dans la Palestine ottomane et sous mandat britannique (Baldazzi) et, encore en Égypte, la difficile intégration des minorités religieuses dans la construction du mouvement national (Pizzo).

22La société civile recouvre une réalité dans laquelle on trouve certes les associations (Kanafani-Zahar), mais aussi les médias libres (Talon), les corporations et les syndicats (comme l’indiquent Daniela Bredi pour le Pakistan et Elisabeth Longuenesse pour l’Égypte), les leaders d’opinion et toutes les autres manifestations qui caractériseraient une société civile dans un régime démocratique (Ben Néfissa). Or, c’est le minimum d’existence légale, par le droit, qui donne à ces acteurs l’accès à un espace public, aussi restreint soit-il, même si cela n’est en soi pas suffisant à faire progresser la démocratisation (Dupret-Ferrié).

23Qui dit société civile dit élites. Où sont passées les élites ? se demande Jacques Ould Aoudia. Son analyse vise à leur restituer un rôle dans la société postcoloniale, renouant avec des pratiques inscrites dans la tradition.

24La société civile, un vieux thème récurrent, est un concept dont les définitions peuvent permettre à des acteurs aussi opposés que les islamistes et les pouvoirs militaires en place de s’en réclamer. Il fallait donc faire l’histoire du concept, retracer son parcours, depuis son origine européenne, son développement dans sa conception bourgeoise, puis sa polysémie à l’époque contemporaine. Andrea Teti insiste notamment sur les conditions historiques de la production des concepts : « Ces concepts, et les discours qu’ils inspirent, forment la colonne vertébrale de la façon dont le savoir n’est pas seulement défini, organisé, produit et validé, mais aussi traduit à travers des pratiques politiques particulières. Le résultat est une politique qui, paradoxalement, reproduit le statu quo à travers un langage qui prétend le remettre en cause. » Jean-Claude Vatin fait le même constat en nous entraînant sur les traces du concept de société civile : c’est bien l’identité de celui qui l’utilise et le contexte qui sont déterminants.

25L’apport de Jean Leca, qui a participé à nos débats, a été éclairant sur le sujet : il permet, en plongeant dans l’histoire de la pensée en Occident, de définir l’origine et les évolutions successives du concept de société civile [9]. À l’origine du concept, la tradition empiriste anglo-écossaise (Mandeville, Hume, Smith, Ferguson) procède fondamentalement d’une problématique de l’individu réduite à l’homme économique. Dans sa version « moderne » bourgeoise, elle est l’équivalent du marché. Pour Locke, il y a une souveraineté de la société civile. L’expression « société civile » est utilisée aujourd’hui dans des contextes très différents et elle est porteuse de contestation à l’égard des décideurs politiques. Jean Leca insiste, avec raison, sur le fait que la société civile n’est pas la société. La société civile est une constellation d’intérêts publics et privés. Est-elle liée au marché qui assure de l’autonomie aux acteurs ? Oui, mais le marché peut aussi tuer la société civile. En contexte musulman, les waqfs, fondations pieuses analogues aux biens de mainmorte, ont constitué une réelle base économique pour l’émergence d’acteurs indépendants de l’État. En Turquie, les vakifs ont favorisé le développement d’une société civile échappant aux contraintes d’un régime étatiste dominé par l’armée. L’âge d’or des « sociabilités », sous le regard bienveillant de Turgut Özal, Premier ministre, puis président à partir de 1984, a permis aux Nurcu, Fethullaci et Nakshbendi de sortir de la clandestinité. Özal a procuré aux cemaat (les confréries) des avantages exceptionnels. C’était la synthèse turco-islamique des années 1983–1993. Le « président croyant » a en même temps favorisé la formation de la Müsiad (1990), syndicat des entrepreneurs musulmans (le M. initial ne signifie pas « musulman », mais « indépendant » – « müstakil »), en opposition à la Tüsiad, qui regroupe les « laïques ». Les actions charitables des vakifs ont acquis une base légale. Cette « société civile musulmane », largement soutenue par le développement d’une économie indépendante de l’État, a abouti à la démocratisation du pays, avec la victoire électorale de l’AKP (2002). Même si l’incertitude sur l’avenir demeure.

26La société civile est-elle un ensemble de groupes observables formant « une constellation d’intérêts » (Max Weber), y compris les « groupes d’intérêts publics », ou bien est-ce un type de relation impliquant à la fois des liens horizontaux entre citoyens et des liens verticaux entre ceux-ci et le gouvernement ? Selon Jean Leca, en accord ici avec Anthony Oberschall, la société civile ne peut exister sans État, mais elle ne peut pas non plus être seulement définie dans son rapport à l’État. C’est le type de relations entre les citoyens qui fonde la société civile : elle présuppose l’autonomie des acteurs et, surtout, l’autonomie du politique (cette autonomie existe-t-elle hors de l’Europe, se demande Jean Leca ?). Faut-il des associations indépendantes pour qu’il y ait société civile ? Pour Jean Leca, la réponse ne fait guère de doute. La société civile exclut (le politique, l’économique) et elle désigne un ennemi (souvent de l’intérieur, assimilé à la culture « traditionnelle » locale). Elle comprend ainsi les ONG, les syndicats, les associations d’usagers, les associations des droits de l’homme, les groupements paysans, les entreprises, les Églises… la notion de société civile reste assez floue.

La société civile et l’État

27Quels rapports entretient la société civile avec l’État ? Peut-elle protéger contre les pouvoirs arbitraires ? Il faut, nous dit Jean Leca, qu’il y ait une reconnaissance réciproque de légitimité pour qu’il y ait une société civile. C’est ce qu’observe précisément Lahouari Addi en évoquant les obstacles à la société civile en Algérie : la société civile ne peut être seulement construite contre l’État.

28Peut-il y avoir une société civile transnationale (européenne ou arabe) ? Oui, si elle se fait dans un ensemble politique cohérent, poursuit Jean Leca. Un tel idéal-type semble ainsi dénier leur qualité de sociétés civiles à la majorité des cas où les acteurs, eux-mêmes, s’identifient pourtant à une société civile, en particulier dans le monde musulman. Mais n’est-ce pas le propre d’un idéal-type de ne jamais trouver sa pleine traduction pratique ?

29Comme nous le fait remarquer Mohammed Tozy, dans la tradition sunnite ottomane, mais aussi bien chérifienne, l’État est considéré par les gens comme extérieur à la société : il n’a pas la prérogative de garantir un espace public ni de représenter la société. Il est même étranger à la société. Mais ce pouvoir a néanmoins partout la prétention populiste de « dialoguer » avec son peuple, sans souvent s’apercevoir que ses pratiques ne font que l’éloigner de lui de manière irrémédiable. L’accès aux institutions de l’État n’est donc possible pour le monde associatif qu’au prix du renoncement à sa propre indépendance. L’État exerce une « captation autoritaire » des instances et groupements dont le contrôle lui échappe, ce que décrit de manière magistrale Sana Ben Achour pour la Tunisie, et que l’on voit à l’œuvre aussi ailleurs, en Égypte, mais surtout en Algérie et, dans une moindre mesure, au Maroc (pour devenir un phénomène insignifiant là où l’État est faible comme au Liban et en Palestine).

30Prenons le cas de l’Algérie. L’État y a massivement investi dans le champ associatif, dans les deux dernières décennies, afin d’emprisonner la société dans un maillage qui lui permette de mieux la contrôler : dans chaque domaine, il promeut et finance toujours de nouvelles associations dans le but de marginaliser et neutraliser les associations indépendantes, soumises à de multiples tracasseries. Souvent, celles-ci sont privées de toute ressource et, parfois même, de la reconnaissance ou de l’autorisation préalable, ce qui leur interdit d’exister légalement dans un espace public déjà restreint. En 2008, ainsi, l’ensemble des associations locales et nationales en Algérie était chiffré par le ministère de l’Intérieur à environ 81 000, dans leur majorité suscitées par le pouvoir. Ce système a été imité par le régime tunisien de Ben Ali, et a permis aux autorités de se présenter comme des « promoteurs de la société civile », tout en la tuant dans l’œuf. Le résultat de cette captation est une caricature de société civile, totalement inféodée à l’État, qui se l’approprie pour l’inclure dans son système de clientèles, qu’il utilise pour concurrencer ce qui reste des associations et groupements indépendants. Il n’est pas étonnant que certains observateurs, notamment en Égypte, tournent en dérision ce dispositif appelé « société civile », devenu une antienne des discours officiels (Iman Farag).

31Notre hypothèse est que la négociation (dans le meilleur des cas), ou l’affrontement direct ou indirect (le plus souvent), avec le pouvoir autoritaire en place, constitue le cadre de l’essor d’une initiative citoyenne au Maghreb comme au Moyen-Orient, en Afrique noire comme en Asie.

Une greffe qui vient de loin

32La rencontre entre la société civile et le monde musulman n’est pas récente : c’est une greffe qui vient de loin. Une greffe, car elle est intimement liée à l’histoire de la colonisation de cette région du monde. Anna Bozzo montre bien comment l’émergence d’un espace public en Algérie s’est produite dans le contexte de la société coloniale. L’application des lois françaises a semé les graines dont se sont emparés les acteurs musulmans confrontés à une colonisation de peuplement (loi de 1901). C’est pourquoi l’idée d’une citoyenneté de type moderne s’est affirmée en conflit avec l’État (incarné par un gouvernement colonial qui pratiquait l’exclusion) et cette conception perdure comme telle. Cela permet de préciser le présupposé de Jean Leca : la société civile s’est bien construite, dans ce cas de figure, en opposition avec l’État.

33Cristiana Baldazzi, à travers les lieux de sociabilité à Naplouse à la fin de l’Empire ottoman, atteste qu’à cette époque, une nouvelle notion d’espace public avait commencé à s’affirmer avant même l’inclusion de la région dans la sphère d’influence britannique, ce qui favorisera par ailleurs l’essor prodigieux des associations sous le Mandat. Elle nous décrit, à partir de sources arabes, cette nouvelle « sociabilité » de salons et cafés, même si ses contours étaient différents de ceux qui ont été décrits en Europe. De même, c’est le modèle d’une minorité occidentale cosmopolite qui fonde, par imitation, le développement des associations en Égypte : c’est ce que confirme Francesca Petricca, qui situe, grâce à une exploration des fonds d’archives, les origines du phénomène associatif dans ce pays. La question de la citoyenneté représente, pour Paola Pizzo, un enjeu central en Égypte à partir d’un contexte où, au xixe siècle, le monde musulman était de plus en plus bousculé par les idées constitutionalistes et les revendications d’égalité entre musulmans et non musulmans. Elle nous fait découvrir la « question confessionnelle » qui faisait déjà débat en Égypte au début du xxe siècle, à travers les prises de positions d’auteurs égyptiens contemporains, coptes et musulmans, ce qui nous replonge dans l’actualité des crises récurrentes entre les deux confessions. Elle analyse le débat d’aujourd’hui qui, avec l’intériorisation généralisée de la notion de citoyenneté (muwâtana), montre que cette tension ne peut être résorbée que dans le cadre d’un dépassement de la dhimma et l’affirmation de la même citoyenneté pour tous.

Une société civile religieuse ?

34La société civile peut-elle être religieuse ? Peut-il exister une société civile au nom d’une religion ? Les religions font-elles partie de la société civile ? Voici autant de questions auxquelles il convient de répondre de manière empirique, si l’on veut échapper à des généralisations indues à partir d’un idéal-type dont le propre est de ne trouver presque jamais une application pratique.

35Tout d’abord, on se doit de noter que, dans de nombreux pays, comme en Algérie, la « société civile » a été longtemps accaparée par des acteurs laïques minoritaires se voulant une avant-garde « démocratique » contre l’« obscurantisme » dont l’islam serait porteur. Les associations féministes laïques en sont la meilleure illustration. Ces milieux, au discours volontiers « éradicateur », dont la visibilité est plus importante que leur importance réelle dans la société, revendiquent pour eux l’exclusivité de la société civile.

36La question du féminisme islamique est posée de façon lancinante dans la plupart des pays musulmans par des acteurs individuels ou associatifs [10], comme alternative ou en cohabitation avec ce féminisme laïque que l’on vient d’évoquer, et qui continue à exister cependant, notamment en Tunisie (Sana Ben Achour). Ce féminisme islamique est intimement liée à la revendication de société civile religieuse : l’émancipation de la femme est alors revendiquée à travers des relectures des textes sacrés qui vont d’une stricte application de la sharî‘a à un ijtihâd débridé. C’est ce que montre Renata Pepicelli.

37En revanche, les communautés libanaises peuvent difficilement être le cadre propice à une société civile. Olfa Lamloum l’illustre, à travers un article sur la mobilisation du Hezbollah au Liban autour du football : on a là affaire à une simple courroie de transmission partisane dans un cadre communautaire, même si la pratique associative est, en elle-même, un facteur de sécularisation (c’est ce que montre Aïda Kanafani-Zahar à travers le foisonnement d’associations après la décennie de guerres civiles au Liban). La « révolution arabe », au Liban, ne peut se faire qu’en opposition au confessionnalisme politique (Kanafani-Zahar).

38Ce qui est vrai pour le Hezbollah semble l’être également, à lire Elisabeth Massicard, pour le mouvement Gülen en Turquie. D’origine soufie, ne s’est-il pas transformé en filière d’excellence traquant les élites partout dans le monde, tout en demeurant le meilleur produit d’exportation de l’islam turc ?

39Cependant, en contexte musulman, l’islam est le langage du social. Aussi, peut-on dire qu’il y a une société civile composée de musulmans. Mais il semble difficile d’identifier une « société civile musulmane », si l’on entend par là un synonyme de l’ umma des croyants. Pourtant, dans certains pays du Moyen-Orient, une société civile dynamique a réussi, au fil des ans, à tenir un rôle normalement exercé par les institutions de l’État, à savoir la prestation de services sociaux, tels les services de santé, l’éducation et le logement. Les organisations se présentant comme la « société civile musulmane » ont particulièrement bien réussi à cet égard. Elles ont acquis une réputation d’honnêteté, d’intégrité et l’on reconnaît leur aptitude à satisfaire les besoins de la population, contrairement aux institutions de l’État que l’on perçoit, de manière courante, comme corrompues. Ainsi, les activités caritatives mises en œuvre par les islamistes ont accru leur capital politique. C’est ce que montre Fariba Adelkhah : le réseau serré de fondations liées au culte des Imams chiites est devenu, dans la république islamique d’Iran, un moyen essentiel de la redistribution des ressources et une base importante pour le régime en place. De même, Lahouari Addi observe pour sa part que, en Algérie, « la popularité des islamistes a trouvé en partie son origine dans cette structure distributive des richesses financées par la rente énergétique, et exprime par ailleurs le niveau de dépendance de la société par rapport à l’État ». En effet, les couches sociales pauvres, « dépendantes de l’État, à travers les prix des biens alimentaires importés, se mettent à rêver d’un Prince juste qui limitera les libertés pour donner équitablement à chacun sa part. »

Société civile et transition démocratique

40On en arrive à la question cruciale : quelle place tient la société civile dans les débats sur la démocratie ? La société civile, il faut le reconnaître, est souvent un substitut permettant de ne pas aborder des questions politiques. Elle est ainsi souvent invoquée lorsque la politique a échoué (promotion de la femme par la profession). La société civile est-elle un vecteur de démocratisation ? Au cours de la dernière décennie, on a pu remarquer l’existence d’une tendance occidentale (Europe et États-Unis) qui vise à considérer la société civile comme source ou moteur de la démocratisation, surtout au sein du monde arabe, se référant au rôle qu’elle a effectivement joué dans certains pays d’Europe de l’Est et de l’Amérique latine, les conduisant à réaliser une transition démocratique réussie. Ainsi, le renforcement de la société civile apparaissait de plus en plus comme le mot d’ordre au sein des réunions et des conférences, officielles ou académiques au début des années 2000. C’est une vision occidentale « romantique » de la société civile. Car, dans ces pays, comme on l’a vu, les régimes autoritaires ont toujours tenté d’entraver ou de contrôler les associations indépendantes, tout en suscitant des associations championnes de loyauté à leur égard. La question se pose une fois encore : y a-t-il des sociétés civiles dans le monde musulman ? Andrea Teti montre bien la relation perverse entre les discours des puissances occidentales et des ONG internationales sur la transition démocratique et le statu quo, ou même l’instrumentalisation de la société civile par des régimes autoritaires. Les régimes autoritaires ont désormais recours partout à la société civile, qui sert alors à dépolitiser l’espace public (on passe du « politique » au « professionnel », comme c’est le cas en Algérie, en Égypte ou dans les Territoires palestiniens occupés, comme le montre bien Maher Charif). Baudouin Dupret et Jean-Noël Ferrié vont jusqu’à affirmer que la société civile ferait le jeu des régimes autoritaires et assurerait leur survie. De même, des interventions postcoloniales et impérialistes se sont souvent faites au nom de la défense de la société civile (le cas de l’Irak qu’examine Pierre-Jean Luizard est exemplaire). Mohammed Tozy, pour sa part, analyse bien comment le système politique marocain conjugue autoritarisme et développement exponentiel des associations. « Démocratie sans démocrates », selon l’expression de Ghassan Salamé [11], « Démocraties de façade », selon Madjid Benchikh [12], la société civile aura servi de concept passe-partout permettant aux régimes les plus autoritaires de feindre la transition démocratique. Mais l’exemple turc et les révolutions arabes ont montré que la société civile ne se réduit pas à cela.

Ong internationales et Ong locales

41Quelle distinction faut-il faire entre les associations, suivant qu’elles sont à but lucratif ou non lucratif ? Quel rapport les ONG internationales entretiennent-elles avec les associations locales ? Les ONG internationales sont-elles un appui pour la société civile ou bien, au contraire, comme le montrent Maher Charif et Pierre-Jean Luizard, pour la Palestine et l’Irak, un handicap ? Danielle Jonckers explique comment, au Mali, les ONG internationales se heurtent aux ONG locales qui peuvent se réclamer de l’islam (cf. la campagne contre la réforme du statut personnel menée par des femmes « musulmanes »). Le consensus de Washington [13] a fait des civil societies la pierre angulaire des transitions démocratiques avec, à la clé, des programmes de restructuration et des campagnes de lutte contre la corruption conduites par des ONG internationales… qui sont devenus les cauchemars des sociétés, au même titre que les plans de redressement du Fonds monétaire international. La captation de la manne représentée par les aides au développement est devenue un enjeu central (au Maroc notamment) : depuis que la conception étatiste du développement est entrée en crise, la promotion de la « société civile » comme acteur à part entière du développement est un des piliers de la « bonne gouvernance », concept inspiré du consensus de Washington désormais systématiquement mis en avant par les ONG internationales de développement (Teti, Tozy, Ould Aoudia, Ben Néfissa, Addi). Un certain développement de l’économie tend ici à conforter l’État autoritaire.

42Il nous faut également citer d’autres cas de grandes ONG « vertueuses », qui ont joué et jouent un rôle phare dans le soutien aux associations locales, notamment celles de défense des droits de l’homme. C’est le cas du Réseau euroméditerranéen des droits de l’homme (REMDH) [14], mais aussi de la Fédération internationale des droits de l’homme et de l’Organisation mondiale contre la torture qui, depuis 1997, ont mis sur pied un Observatoire très efficace pour venir en aide aux victimes de la répression [15], sans pour autant dépolitiser le débat ou parasiter les associations locales. C’est à travers son expérience dans le REMDH, dont il est membre honoraire, que Khemaïs Chammari [16] nous informe de l’action du moment pour promouvoir la liberté d’association dans les pays de la rive sud et est de la Méditerranée.

La société civile et la politique

43La société civile est-elle politique ? En tant que constellation d’intérêts, souvent naturellement contradictoires, il semble douteux que la société civile puisse être porteuse d’un projet politique, sauf à renoncer à son autonomie. Face à un État autoritaire, il est souvent impossible de distinguer la société civile et l’opposition politique. C’est ce qu’illustre Daniela Bredi avec la difficulté du mouvement des avocats au Pakistan à se frayer un chemin entre un pouvoir autoritaire et des groupes islamistes qui tentent de prendre le contrôle. L’exemple de la « société civile musulmane » turque aboutissant à la victoire de l’AKP pose bien la question de l’autonomie des acteurs. N’est-on pas là en présence d’un contournement du politique par la société dite civile… pour des objectifs qui, eux, sont bien politiques ? En même temps, si l’on admet qu’il n’y a pas de société civile sans État (ou sauf s’il y a un projet d’État, comme en Palestine), c’est l’État qui, seul, peut rendre autonomes ses citoyens. Si la société civile se fait uniquement contre l’État, ce qui est souvent le cas pour la majorité des pays musulmans, elle n’est plus seulement une société civile, mais un cache-sexe pour une opposition politique. Jean Leca nous rappelle que l’« on confond souvent régime en place et État dans le monde musulman. La raison en est que l’État est souvent l’héritier de l’État colonial. L’État colonial, avec sa prétention au contrôle souverain, direct ou indirect, a signifié l’introduction d’un État produit par la souveraineté politique hobbésienne-lockienne dans des sociétés où cet État (de Hobbes ou de Bodin) ne jouait guère de rôle dans la production de la loi commune… Les groupes n’étaient donc pas réunis dans une “société” vue comme contractuelle, permise et menacée par l’État. L’État colonial a permis, parfois contre sa logique impériale, l’émergence d’une petite société civile “indigène”, faite à la fois d’associations fondées sur des liens prescrits et d’associations volontaires. Cette société civile “indigène”, créée par un État étranger, a été le premier véhicule d’une demande politique moderne d’égalité des droits individuels qui a conduit au nationalisme. Pourtant, le nationalisme qui a triomphé ne correspondait pas seulement à la volonté de cette société civile de se donner un État. Il exprimait aussi d’autres collectifs, ethniques, religieux, communautaires, tribaux, pour lesquels ce qui comptait n’était pas l’État moderne, mais la recherche de la souveraineté avec le rejet de la tutelle étrangère. Si, dans l’histoire européenne et nord-américaine, la société civile a fini par devenir un élément de la démocratie, le contraire tend à se produire dans les États postcoloniaux. Les gouvernements y sont autoritaires à cause de l’État colonial (dont ils ont hérité, ndlr) qui n’est pas reconnu comme légitime par les groupes de la société. Ces groupes se reconnaissent dans une autre “société politique” fonctionnant selon d’autres formes d’intermédiation horizontales (confessionnelles, ethniques, communautaires, tribales). Une société civile contre l’État n’est pas une société civile. Dans la “société civile musulmane”, il n’y a pas d’associations volontaires et pluricommunautaires reconnues et régulées par un État libéral-démocratique, mais un ensemble de pratiques se référant aux interprétations des principes islamiques. Le fait de sortir des groupes traditionnels (‘asabiyya, umma, etc.) et de parler au nom de groupes modernes ne fait pas forcément la société civile.» [17] Le rappel, par Jean Leca, de l’idéal-type de la société civile ne condamne pas pour autant l’existence d’une telle société dans les pays d’islam, même si elle se fait au nom de la religion et/ou contre l’État, comme nous l’avons montré. Mais Jean Leca pointe ici un défi majeur pour les « révolutions arabes » qui semblent avoir adopté le cadre de l’État-nation postcolonial pour réaliser leurs revendications. Comment un cadre, dont la légitimité n’est pas reconnue par tous, pourra-t-il être le berceau d’un processus de démocratisation ? On risque là de voir apparaître rapidement les fractures derrière les mots d’ordre consensuels de la société civile « inorganisée » qui anime les actions collectives et les insurrections.

44Par ailleurs, il faut aussi prendre en compte le dégoût de la politique de nombre de ceux qui se définissent comme « citoyens » et qui se tiennent le plus possible à l’écart de celle-ci. L’indépendance devient alors synonyme d’éloignement vis-à-vis du pouvoir, mais aussi de la politique. Cela est vrai surtout là où la liberté d’expression et d’association a été trop longtemps verrouillée, comme en Algérie (du fait de l’introduction de l’état d’urgence, maintenu pendant dix-huit ans) et en Tunisie, où le verrouillage a été tel qu’il a produit ce ras-le-bol généralisé qui a rendu possible l’explosion de 2011. Cela l’est moins là où, comme en Égypte, une certaine liberté d’association et de presse a permis, à côté d’un développement limité du jeu des partis politiques, l’essor des syndicats et des associations professionnelles (Longuenesse).

Société civile et identité

45La question de l’identité ne peut être séparée des problématiques autour de la société civile. Est-on Égyptien, Arabe, musulman, copte (cf. Paola Pizzo et le débat confessionnel en Égypte) ? Quel rapport existe-t-il entre l’autonomie des citoyens et l’identité ? L’identité de l’État, seul garant de l’autonomie durable de ses citoyens, est cruciale. Par ailleurs, la question se pose des frontières d’une société civile : existe-t-il des sociétés civiles transnationales en dehors de l’Europe ? Pour qu’il y ait une société civile, il faut un territoire, un État et donc des frontières. Il ne peut donc a priori y avoir de société civile internationale sans système politique commun. C’est là une menace pour l’unité des révolutions arabes où il est à craindre que les spécificités locales ne prennent le dessus sur la belle unité initiale des mots d’ordre. C’est peut-être l’un des plus grands paradoxes du vent de liberté qui souffle sur le monde arabe : tout en étant l’expression de la mondialisation accélérée des valeurs, il s’inscrit dans des cadres nationaux à l’intérieur desquels il ne sèmera certainement pas les mêmes graines.

46La colonisation demeure fondatrice des conflits actuels. C’est particulièrement vrai du monde musulman qui s’est construit depuis selon des schémas qui fédèrent encore aujourd’hui les enjeux de ces conflits, si bien qu’il est légitime de parler de monde musulman : États-nations postcoloniaux dont la légitimité n’est pas toujours reconnue, armées vecteurs de modernisation autoritaire et d’idéaux laïques ou laïcisants, perpétuation de la dépendance envers l’Occident. De même que la laïcité – ou une forme de laïcité – est probablement indispensable pour tout processus de démocratisation, mais peut aussi se révéler la légitimation de régimes autoritaires, la société civile est aussi nécessaire à la démocratisation, mais peut, de même, être l’outil de régimes autoritaires. Le monde musulman illustre à quel point les rapports de modernité sont également des rapports de forces entre le plus moderne et celui qui l’est moins. Ce qui a permis à l’Occident de se démocratiser peut servir là comme instrument aux régimes les plus antidémocratiques.

4715 avril 2011

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  • Bibliographie sur le sujet

    • Azouzi A. (2006), Autoritarisme et aléas de la transition démocratique dans les pays du Maghreb, « Histoire et perspectives méditerranéennes », L’Harmattan, Paris.
    • Benchikh M. (2009), Constitutions démocratiques et réalités autoritaires au Maghreb : la démocratie de façade, in Benachour Y., Henry J.-R., Mehdi R. (dir.), Le débat juridique au Maghreb : de l’étatisme à l’État de droit : études en l’honneur de Ahmed Mahiou, Éd. Publisud, Paris, IREMAM, Aix-en-Provence, p. 242–259.
    • Camau M. (2002), « Société civile réelle et téléologie de la démocratisation », Revue internationale de politique comparée, 9 (2), p. 213–232.
    • Camau M. et Geisser V. (2003), Le syndrome autoritaire : Politique en Tunisie de Bourguiba à Ben Ali, Les Presses de Sciences Po, Paris.
    • Cappelli O., Gervasio G., Teti A. (dir.) (2006), Oltre la democratizzazione. Elezioni, politica e potere nel ‘Grande Medio Oriente’, num. spécial de Meridione, VI (1).
    • Caratini S. (dir.), La question du pouvoir en Afrique du Nord et de l’Ouest. Affirmations identitaires et enjeux de pouvoir, tome 2, L’Harmattan, collection «L’Ouest saharien», hors série n° 10, Paris, p. 99–130.
    • Catusse M., Destremau B., Verdier E. (2010), L’État face aux débordements du social au Maghreb. Formation, travail et protection sociale, Karthala, Paris.
    • Chouikha L. et Gobe E. (2009), « Les organisations de défense des droits de l’homme dans le formule politique tunisienne : acteurs de l’opposition ou faire valoir du régime ? », in L’Année du Maghreb. Dossier, S’opposer au Maghreb, p. 163–182.
    • Dabène O., Geisser V, Massardier G. (2008), Autoritarismes démocratiques et démocraties autoritaires au xxie siècle, La Découverte, Paris.
    • Kienle E. (2001), A Grand Delusion : Democracy and Economic Reform in Egypt Tauris, Londres.
    • Geze F. (2005), « Armée et nation en Algérie : l’irrémédiable divorce ? », Hérodote (http://www.herodote.org) n° 116, « Armées et nations », 1er trimestre.
    • Gobe E. (2006), « Corporatisme, syndicalisme et dépolitisation », in Picard E. (dir.), La politique dans le monde arabe, A. Colin, Paris.
    • Hibou B. (2006), La force de l’obéissance. Économie politique de la répression en Tunisie, La Découverte, Paris.
    • Mahiou A. (dir.) (1997), L’État de Droit dans le monde arabe, CNRS Éditions, Paris.
    • Picard E. (dir.), (2006), La Politique dans le monde arabe, Armand Colin, Paris.
    • Qandil A. (1992), Le courant islamique dans les institutions de la société civile : le cas des ordres professionnels en Égypte, in Dossiers du Cedej, Modernisation et nouvelles formes de mobilisation sociale, Égypte, Turquie, Le Caire.
    • Salamé G. (dir.) (1994), Démocraties sans démocrates, Politiques d’ouverture dans le monde arabe, Fayard, Paris.
    • Zghal A. (1991), « Le concept de société civile et la transition vers le multipartisme », in Camau M. (dir.), Changements politiques au Maghreb, Éd. du CNRS, Paris, p. 207–228.

Notes

  • [1]
    Première chaîne satellitaire panarabe, Al Jazeera a été lancée le 1er novembre 1996 par le cheikh Hamad bin Khalîfa Al Thâni, émir du Qatar, et est basée à Doha au Qatar. Sa création par le cheikh Al Thâni, qui venait d’arriver au pouvoir en renversant son père, visait à rompre la mainmise des Saoudiens sur le paysage médiatique international arabe, à briser le contrôle des gouvernements arabes sur l’information nationale et, donc, à libéraliser le paysage médiatique arabe. La chaîne, qui s’était posée en alternative à l’information américaine lors de la guerre en Irak de 2003, s’est peu à peu transformée en cauchemar des gouvernements autoritaires arabes (à l’exception notable du Qatar dont la politique intérieure n’est jamais évoquée).
  • [2]
    Oberschall A. (1973), Social Conflict and Social Movements, Englewood Cliffs, Prentice Hall.
  • [3]
    Ben Néfissa S., « Ces 18 jours qui ont changé l’Égypte, Révolution civile et politique », in revue Tiers Monde, Armand Colin, à paraître en avril 2011.
  • [4]
    Rendue possible grâce au concours substantiel du CNRS et de l’Université Roma Tre.
  • [5]
    Cf. Références bibliographiques en fin d’introduction.
  • [6]
    Cf. la bibliographie sur le sujet.
  • [7]
    Pierre-Jean Luizard (dir.) (2006), Le Choc colonial et l’islam. Les politiques religieuses des puissances coloniales en terres d’islam, La Découverte, Paris.
  • [8]
    Kerrou M. (dir.) (2002), Public et Privé en Islam, IRMC, Maisonneuve & Larose, Paris.
  • [9]
    Jean Leca (2003), « De la lumière sur la société civile », in Sudipta Kaviraj et Sunil Khilnani (dir.), Civil Society, History and Possibilities, Cambridge University Press & New Delhi, Foundations Books, Cambridge.
  • [10]
    « Le féminisme islamique aujourd’hui », Critique internationale, 46, Presses de Sciences Po, janvier-mars 2010.
  • [11]
    Salamé Gh. (dir.) (1994), Démocratie sans Démocrates. Politiques d’ouvertures dans le monde arabe et islamique, Fayard, Paris.
  • [12]
    Benchikh M. (2009), Constitutions démocratiques et réalités autoritaires au Maghreb : la démocratie de façade, in Benachour Y., Henry J.-R., Mehdi R. (dir.), Le débat juridique au Maghreb : de l’étatisme à l’État de droit : études en l’honneur de Ahmed Mahiou, Publisud, Paris, IREMAM, Aix-en-Provence, p. 242–259. Nous devons cette expression à ce juriste algérien, qui l’a affinée au cours de ses études, pour en faire une catégorie juridique valable pour tout le Maghreb. Voir aussi : Id., (2003), Algérie : un système politique militarisé, L’Harmattan, Paris.
  • [13]
    Le consensus de Washington est un corpus de mesures standard appliquées aux économies en difficulté face à leur dette (notamment en Amérique latine) par les institutions financières internationales siégeant à Washington (Banque mondiale et Fonds monétaire international) soutenues par le Département du Trésor américain. Issu de l’idéologie de l’école de Chicago, il a été théorisé en 1989 par l’économiste John Williamson sous la forme de dix propositions.
  • [14]
    Aujourd’hui, le REMDH compte environ 80 associations-membres statutaires et a ouvert des bureaux à Bruxelles et à Paris, avec des antennes à Amman, Rabat, Le Caire, et une mission à Tunis. Les membres travaillent en workshops et participent activement à des actions de plaidoyer et de dénonciation des violations des droits humains auprès des institutions européennes et de l’opinion publique internationale.
  • [15]
    L’Observatoire et le REMDH ont une action remarquable de monitoring dans les révolutions en cours, après être intervenus pour dénoncer la répression dans les pays concernés.
  • [16]
    Khemaïs Chammari, qui a eu lui-même à pâtir du régime de Ben Ali, a été nommé ambassadeur de Tunisie auprès de l’Unesco par le nouveau pouvoir tunisien.
  • [17]
    Jean Leca, contribution aux Journées de Rome de mai 2009.
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