Nous avons déjà dit que, selon Emile Benveniste, le mot « religion » aurait deux étymologies concevables.
D’une part celle à laquelle nous avons fait allusion p. 11 : re-ligare, relier, qui souligne la relation entre l’homme et son dieu. D’autre part re-legere, qui signifie relire mais aussi recueillir à nouveau, revenir sur une démarche antérieure, reprendre les éléments et les signes dont on dispose en vue d’une nouvelle réflexion. Le mot suggère l’hésitation et le scrupule. Si telle était, comme Benveniste le pense, l’étymologie la plus probable, le mot désignerait un comportement humain qui pour mieux s assurer reviendrait en arrière et chercherait confirmation dans des signes, des textes ou des paroles déjà connus. Une étymologie n’est pas une définition. Mais on peut y voir une indication.
De nombreuses images s’imposent à l’esprit : le sorcier ou le chaman qui reconsidèrent le déroulement du rite qu’ils accomplissent ; l’augure qui s’interroge sur les informations que lui apportent divers aspects d’un sacrifice : interrogation attentive, renouvelée ; cet empereur chinois, dont Parle Marcel Granet, qui hésite pendant plusieurs années à faire un certain sacrifice : si l’on interprète mal les signes, il pourrait se retourner contre lui ; cette personne pieuse qui vient interroger son curé sur tel ou tel point de morale ; ces croyants qui trouvent dans la lecture assidue des Livres saints un bonheur difficilement imaginable par d’autres : car, dans un monde qui se laisse mal déchiffrer, il y a un lieu de clarté promis au lecteur attentif…
Date de mise en ligne : 15/03/2016