Les territoires de l’actuelle Belgique ont été les premiers du continent à suivre le modèle de la révolution industrielle britannique. Le développement des fabriques, dans le textile puis la construction des machines et la métallurgie, de même que la modernisation des charbonnages ont amené la formation d’un prolétariat, dont les conditions nouvelles d’existence n’ont pas échappé aux premiers employeurs, ni aux autorités françaises occupant alors ces territoires [Lebrun, 1948, p. 264-268 ; Gayot, 2002].
Longtemps toutefois, la population ouvrière n’a été saisie que sous l’angle de l’indigence et du paupérisme. Sous le régime hollandais, une enquête sur le nombre et l’état des pauvres est organisée dans chaque commune [Haesenne-Peremans, 1981, p. 230 sq.]. Par la suite, la conjoncture économique, faite de crises à répétition, conduit à rapprocher condition ouvrière et paupérisme, lequel se détache progressivement de la misère et de la pauvreté rurale. Cette conjonction, renforcée par la crise de l’industrie linière en Flandres, va perdurer pendant et au-delà de la vague d’enquêtes ouvrières menées durant la décennie 1840 ; ainsi dans l’étude parue en 1844 sous le titre Le Paupérisme en Belgique. Causes et remèdes, Édouard Ducpétiaux traite principalement de la classe ouvrière.
Si, comme le relevait Michelle Perrot dans un texte déjà ancien, « l’enquête brute est excessivement rare. Orientée à des fins pratiques, elle s’accompagne presque toujours de propositions de solution », on pourrait aller jusqu’à dire que ces propositions précèdent les enquêtes, comme montrent plusieurs publications des années 1830 traitant des caisses de prévoyance, de l’instruction, etc…