La plupart des écrits consacrés à l’ascension politique de Rafic Hariri éludent la question des relations entretenues par l’ancien Premier ministre avec sa communauté. Il existe en effet une véritable réticence à décrire et comprendre la construction du leadership politique de Rafic Hariri à partir du prisme communautaire et des modes traditionnels du fonctionnement clientélaire. On se garde bien d’affubler l’ancien Premier ministre, qui jouit d’une importante légitimité post-mortem, des habits du communautarisme politique. Ce dernier, il est vrai, a constamment pris soin de projeter l’image de parangon de la modernité, de l’outsider face aux notables qui s’avèrent incapables de sortir le Liban du marasme économique, voire de l’évergète à même de mettre un terme aux carences dont souffre toute une société. Pourtant, au fil des ans, la modification du contexte politique, aussi bien local que régional, ainsi que la pratique distordue des textes de Taëf, qui consacre dans les faits le confessionnalisme politique comme mode d’exercice du pouvoir, incitèrent Hariri à reproduire les modes de domination sociale, économique et politique traditionnellement exercés par le za‘îm libanais. Sacrifiant à ses ambitions de leader national aux assises transcommunautaires, il finit par trouver dans le patriotisme de communauté les nouveaux fondements de sa légitimité.
Il semble donc pertinent de revenir en détail sur les ressorts de cette rupture stratégique afin de poser les bases d’une réflexion renouvelée sur l’ascension politique de Rafic Hariri et l’émergence d’un leadership sunnite unifié dans le Liban d’après-guerre…