Au cours des dernières décennies, un accord de plus en plus large s’est fait, dans la théorie politique et les sciences politiques empiriques, pour dire que la démocratie tire en partie sa légitimité de la qualité de la délibération qui informe les citoyens et leurs représentants. Jusqu’à une date récente, ceux qui voulaient étudier et améliorer la qualité de la délibération en démocratie avaient schématiquement le choix entre deux stratégies. L’une consistait à se concentrer sur la délibération telle qu’elle a lieu au sein des assemblées législatives et lors des campagnes pour la sélection de leurs membres. L’autre stratégie, qui n’était pas nécessairement incompatible avec la première, consistait à s’intéresser à la conception, à la mise en place et au fonctionnement effectif de dispositifs délibératifs de petite taille, permettant à des citoyens de délibérer dans des conditions favorables.
Ces deux stratégies, cependant, étaient uniquement axées sur des dispositifs ou des processus particuliers, et non sur les rapports entre ces dispositifs au sein d’un ensemble plus vaste. L’agencement idéal a généralement été représenté sous les traits d’un unique forum délibératif, conçu comme le meilleur possible. En conséquence, la plus grande part de la recherche empirique consacrée à la démocratie délibérative s’est concentrée « soit sur un seul épisode de délibération, comme dans les discussions de groupes ne se réunissant qu’une fois, soit sur une série continue de discussions au sein d’un même groupe ou d’un même type d’institution » (Thompson, 2008)…