La fin du xixe siècle a connu ce que certains historiens, tels Jean-Yves Mollier, ont appelé, à juste titre, une véritable révolution culturelle. Parallèlement, cette période a été, sur le plan politique, celle de l’affermissement de la IIIe République, pendant ces trois décennies qui vont de 1870 à 1900. Pourquoi, dès lors, parler d’une « révolution », au demeurant silencieuse, dans le domaine de la culture ?
Tout d’abord, parce que c’est à ce moment précis que se met en place une véritable culture de masse, c’est-à-dire une culture qui touche, à la fois géographiquement et sociologiquement, la plus grande partie d’un périmètre national et social. Cette culture de masse ne passe certes pas encore par les médias audiovisuels, mais bien par ces supports imprimés que sont le journal et le livre.
Au seuil de la IIIe République, en 1870, le cumul des tirages de tous les journaux quotidiens, qu’ils soient nationaux, régionaux ou même locaux (puisqu’il existe de petits journaux dans nombre de villes moyennes), est d’un million d’exemplaires. C’est encore peu, si l’on rapporte ce chiffre à la population française, qui est de 39 millions après la perte de l’Alsace-Lorraine.
Le même calcul, à peine trente ans plus tard, aboutit à ce résultat saisissant : 10 millions d’exemplaires environ. En trois petites décennies – ce qui représente un battement de cil à l’échelle d’une histoire nationale (soit en une génération) –, le nombre de journaux a décuplé. Et puisque l’on dénombre alors environ 12 à 13 millions de ménages en France, on peut dire que le journal quotidien est présent dans la plupart des foyers : la lecture de la presse est devenue un phénomène national et insémine la société française…
Date de mise en ligne : 09/04/2018.