Si j’ai choisi cet extrait un peu provocateur en guise d’introduction, c’est parce qu’il me semble résumer les contradictions entre lutte indigène et lutte des femmes. L’élection d’Evo Morales en Bolivie peut se lire comme la victoire historique de résistances cinq fois centenaires, comme une petite révolution dans le système mondial d’inégalités, comme le triomphe de la démocratie, ou alors... comme la reproduction d’un système de pouvoir patriarcal. Ce contre-discours rappelle non seulement les fondements antidémocratiques de l’État-nation, mais relève également l’invisibilisation des femmes dans le cadre d’une conception stéréotypée de « l’indigène ». C’est pourquoi Maria Galindo annonce plus loin sa « désobéissance culturelle » contre toute représentation essentialiste des cultures « originaires », une telle conception justifiant des pratiques politiques conservatrices à l’égard des femmes. Au-delà de son caractère polémique, cette réaction a le mérite de mettre en évidence que l’apparente diversification des acteurs politiques en Amérique latine et aux Caraïbes ne va pas sans reproduire des logiques hégémoniques et des antagonismes sociaux, politiques et culturels. De nombreux observateurs ont diagnostiqué l’émergence de « nouveaux mouvements sociaux » dans la région, marquant l’épuisement des organisations partisanes et des avant-gardes révolutionnaires qui luttent sur un front principal (la lutte des classes) et visent essentiellement la prise de pouvoir. À la place, une diversité d’espaces d’organisation de la « société civile » (coopératives, coordinations, réseaux, communautés, quartiers, assemblées, associations) s’est affirmée en multipliant les fronts de luttes, notamment autour des droits des femmes et des peuples indigènes [Camacho, 1989 ; Wallerstein, 2003-2004 ; Zibechi, 2005-2006]…