La réinsertion de la Russie en tant que puissance dans la région s’intègre dans le « pivot oriental » opéré par Moscou dès le début des années 2010. Intervenue à la faveur du « retour » de Vladimir Poutine au Kremlin en 2012, cette politique se définit d’abord comme un rééquilibrage des relations extérieures russes à l’égard de l’Occident et, plus particulièrement, vis-à-vis de la communauté euro-atlantique.
Le dynamisme des relations sino-russes constaté au cours de la dernière décennie et le regain d’intérêt plus récent de Moscou pour l’Afrique en sont des manifestations. Sur la rive sud du bassin méditerranéen et au Proche et Moyen-Orient, ce réinvestissement bénéficie des efforts consentis par la Russie sous la houlette d’Evguéni Primakov dès la fin des années 1990 pour réactiver sa présence, qu’elle avait mise en sommeil après 1991. Les crises ukrainienne et syrienne ont conclu une parenthèse de deux décennies, durant laquelle la Russie s’était cantonnée aux seconds rôles au Moyen-Orient. Cet effacement russe s’apparente à une « anomalie » au regard du rôle qui a été celui des empires – tsariste puis soviétique – sur la scène stratégique moyen-orientale, au cours des trois derniers siècles.
L’érosion de la Pax americana au Moyen-Orient, produit du plus grand tropisme américain pour la région Asie-Pacifique et de la fatigue des États-Unis après les guerres d’Irak et d’Afghanistan, a, à l’évidence, servi les desseins russes. Les flottements de l’administration Obama en Syrie se sont mués sous l’administration Trump en retranchement derrière Israël et l’Arabie saoudite…