Cet article soutient que le renoncement actuel à l’idée d’une extension indéfinie du projet européen et, partant, au modèle cosmopolitique qui la sous-tendait dans les années 1990 et 2000, est le témoin de l’abandon de la conception strictement universelle de la démocratie libérale au profit d’une conception plus substantielle selon laquelle ce régime est une forme de vie éprouvée dans le temps long, autrement dit, un ethos particulier. Dans un tel cadre théorique, l’association de la démocratie et des droits de l’homme, constitutive de la démocratie libérale, apparaît comme le produit contingent d’une trajectoire historique particulière. En ce sens, cette conception nouvelle des limites de la construction européenne implique d’admettre comme possibles à la fois une démocratie sans État de droit et un État de droit sans démocratie. Ce changement de paradigme comporte une part de désenchantement, mais il peut aussi être un aiguillon, à la fois pour la préservation de la démocratie libérale telle que nous y sommes attachés, et pour la construction d’une véritable démocratie européenne.
What the Crisis of the European Cosmopolitical Model says about Democracy. The Thesis of the Co-originarity of Popular Sovereignty and Human Rights in Question This article argues that the current renunciation to the idea of an indefinite extension of the European project, and hence to the cosmopolitical model that underpinned it in the 90s and 2000s, bears witness to the abandonment of the strictly universal conception of liberal democracy in favor of a more substantial conception. According to that new conception, this regime is a form of life experienced over time, in other words, a particular ethos. In such a theoretical framework, the association of democracy and human rights, which is constitutive of liberal democracy, appears as the contingent product of a particular historical trajectory. In this sense, this new conception of the limits of European construction implies admitting that both democracy without the rule of law and the rule of law without democracy are possible. While this paradigm shift is not without its disenchantments, it can also be a spur to both the preservation of the liberal democracy we hold dear, and to the construction of a genuine European democracy.
