La presse nationale, et dans une certaine mesure le parti lui-même, s’accordent pour dater l’irruption du Front national (FN) sur la scène politique de l’élection municipale partielle de Dreux, en septembre 1983. Ce faisant, on occulte le fait qu’à cette date le FN existe depuis déjà onze ans, puisqu’il est officiellement fondé à Paris le 5 octobre 1972. Ainsi, si l’on excepte le groupuscule de P. Sidos, l’Œuvre française, il est aujourd’hui la plus ancienne formation d’extrême droite encore active sous une dénomination qui n’a jamais changé. Pendant toute la période étudiée, le FN est un mouvement faiblement implanté et structuré, ne pouvant prétendre incarner la totalité, ou la majorité, d’une droite nationaliste éclatée en plusieurs tendances dont la principale est représentée par le Parti des forces nouvelles (PFN). Il s’agit ici de cerner les différentes étapes de l’évolution idéologique et organisationnelle du Front, pour mettre à jour les ruptures stratégiques et les conflits de courants qui l’ont agité avant qu’il se structure en parti politique inséré dans le jeu parlementaire en 1981-1983.
La distinction entre nationalistes et nationaux, acceptée par l’extrême droite elle-même pour la période postérieure à la guerre d’Algérie, aide à comprendre la querelle que vont se livrer FN et PFN pour le leadership de cette famille politique. La création du FN est, au départ, une initiative des dirigeants d’Ordre nouveau, mouvement nationaliste fondé en 1969 après la dissolution d’Occident, et qui semble avoir réuni à son apogée environ 5000 militants, pour la plupart jeunes et/ou étudiants, implantés notamment à Paris, Lyon, Nice et Marseille…