Pour cet homme incompréhensible à lui-même, fragment détaché de l’ensemble et incapable de se rattacher au tout, pour cet être fini, tournoyant à tous les vents, aimant ce qu’il a haï, haïssant ce qu’il a aimé, pour cette « quiddité ténébreuse » soumise aux causes externes, Spinoza démontre que le bonheur doit naître. L’erreur de la passion, c’est qu’en elle le désir fondamental qui constitue notre être contracte des rapports avec les choses contingentes et lie ainsi son sort au leur, qui est mortel. Ce qui meurt est faux, ce qui ne meurt pas est vrai. C’est seulement en se tournant vers la substance et vers Dieu que l’homme pourra participer à la vie authentique et vraie, c’est-à-dire à une vie qui n’a aucun rapport avec la mort. Or Spinoza nous l’a montré, Dieu, l’Être absolu, existe ; il est là, qui s’offre à notre amour ; il suffit de le connaître. C’est donc dans et par la connaissance que l’homme doit se sauver. La puissance de l’âme, dit l’auteur de l’Éthique, est définie par la seule intelligence.
Et pourtant, faire de la connaissance un moyen de salut, et même le seul moyen de salut, à l’exclusion de tout autre, et en particulier de la volonté, puisque celle-ci a été niée en tant que pouvoir différent de l’intelligence, c’était soulever nécessairement une objection grave que nous fournit le spinozisme lui-même. En effet, l’une des affirmations sans cesse renouvelées de Spinoza et sans doute l’une des plus profondes du philosophe hollandais, c’est que l’idée ne peut rien contre le désir…
Mise en ligne 17/09/2015