« Y a-t-il un pilote dans l’avion ? »
Cette interrogation que Louis répète régulièrement à haute voix, sans véritablement attendre de réponse, condense des questions hétérogènes. Sous sa face la plus singulière, elle fait écho à sa phobie de l’avion : Louis est particulièrement angoissé quand l’appareil survole la mer – il arrive que le symbolisme de l’inconscient ne s’embarrasse pas d’obscurités inutiles. Sous sa face la plus générale, presque philosophique, elle donne à entendre qu’il en est du sens de la psychanalyse comme du sens de la vie : on aimerait bien savoir où tout cela nous mène, y a-t-il une autre fin que la fin dernière ? Retrouver le pays natal, atterrir en terre étrangère ou disparaître en pleine mer ? Et si lui n’en sait rien, le psychanalyste (supposé savoir) en a-t-il quelque idée ? Parce que c’est une chose de soutenir que l’absence de représentation-but, l’ignorance par les deux protagonistes de la destination, est une condition de possibilité de la dynamique analytique, c’en est une autre de dire qu’il n’y a personne aux manettes.
La direction de la cure, la conduite de l’analyse… Ces formules employées, le plus souvent sans être réfléchies, ont perdu toute simplicité depuis que Freud a dû se soumettre à l’évidence : l’inconscient du patient n’est pas le seul de la partie. La fiction d’un analyste tout de science vêtu n’aura duré que ce que dure l’enthousiasme, pas très longtemps. Les « Études sur l’hystérie », « Dora » laissaient déjà filtrer les premiers indices de ce qui allait devenir l…