Les théories de la régulation, qu’elles relèvent de l’analyse sociologique ou de l’analyse économique, impliquent un découpage du temps entre des phases où se stabilisent des règles suffisamment cohérentes pour assurer la reproduction du système et des périodes de rupture où la remise en cause des règles devient l’enjeu principal dans l’affrontement de la stratégie des acteurs. Bien entendu, les évolutions concrètes sont toujours un mélange de respect et de contestation des règles du jeu, d’inertie et d’innovation. Mais l’objet de l’analyse est d’identifier des caractères dominants. Il est relativement facile de construire ex post une telle périodisation. La difficulté est plus grande s’il s’agit, au cours d’une phase où des mutations s’opèrent, de prononcer un diagnostic de rupture et d’en caractériser la nature. La difficulté croît encore lorsque, sur la base de ce diagnostic, on cherche à prévoir les caractères d’une régulation qui traduirait les nouveaux compromis stabilisés assurant la « sortie de crise ». Notre objectif est de tester la capacité de diagnostic et de pronostic de la théorie de la régulation dans un contexte d’incertitude tant sur la nature de ruptures observées que sur leur impact en longue période.
Le déroulement de la décennie quatre-vingt-dix dans les pays d’Europe occidentale offre un objet d’analyse stimulant. Des transformations fortes y sont apparues dans la plupart des systèmes nationaux de relations professionnelles ; or ces transformations correspondent mal aux pronostics qu’avaient présentés les spécialistes en prenant appui sur les tendances antérieures…