De nombreux sociologues défendent aujourd’hui l’idée que les sociétés occidentales contemporaines sont régies par le savoir et l’expertise. Les processus de savoir qui envahissent les organisations et les institutions représenteraient une force structurante qui façonnerait les formes d’ordre et de changement de ces sociétés. Ce serait là un mouvement à double face, à la fois effectif et normatif.
D’une part, il s’agirait d’un phénomène constatable, émergent, résumé par le terme « société du savoir » : au-delà de la société dite moderne qui était le lieu d’un processus de bureaucratisation et rationalisation (Weber, 1921) et où la technologie jouait un rôle essentiel (Marx), dans la société dite de la « modernité avancée » (Giddens, 1994), les changements manifestes dans la structure seraient maintenant le produit des transformations des savoirs ; de plus, le savoir construit par les multiples systèmes experts agirait comme un moyen d’interprétation et de réflexivité de la vie sociale sur elle-même.
Sur l’autre face, complémentaire, il s’agirait d’un phénomène normatif. On lui donnera ici, dans la suite des enseignements de Foucault, le nom d’obligation de réflexivité : l’homme moderne (ou hypermoderne) doit savoir ce qu’il fait, être capable de produire une analyse de son action ou de sa pratique, de la formuler et d’en débattre, être capable de se remettre en cause et d’évoluer. Le terme réflexivité évoque l’idée d’une évaluation continue de l’action, autrement dit, pour parler simplement, l’idée qu’il faut avancer et changer en regardant constamment dans le rétroviseur pour réajuster e…