Dans leur ouvrage Sociologie de la santé. Institutions, professions et maladies, Danièle Carricaburu et Marie Ménoret soulignent que « la santé apparaît clairement comme un domaine qui n’est pas réductible à la médecine, à ses institutions et à ses acteurs privilégiés que sont les professionnels et les malades » (Carricaburu, Ménoret, 2004, p. 199). Si aujourd’hui la sociologie de la santé dépasse largement le domaine de la médecine, pour l’objet d’étude que constitue l’expérience de la maladie, l’institution hospitalière demeure un terrain souvent privilégié. Ainsi, l’épreuve du cancer est fréquemment appréhendée aux prismes des instances de soins, des relations entre soignants et soignés ou bien encore au travers de la thématique de l’innovation thérapeutique. Ce tropisme institutionnel conduit parfois les sociologues à réifier des catégories et des concepts issus du monde médical, comme la catégorie « cancer » ou le concept d’« autonomie », au détriment des constructions qui peuvent être élaborées par des personnes malades ou des associations (à l’instar des associations de lutte contre la maladie ou de lutte pour la santé environnementale et/ou la santé au travail).
La recherche dont il est question dans ce chapitre tend à déplacer la focale en portant sur un groupe d’individus touchés par des « affections professionnelles consécutives à l’inhalation de poussières d’amiante », qu’elles soient de nature cancéreuse ou non. Ainsi, à partir d’une enquête ethnographique réalisée dans le canton de -Roussillon (au nord du département de l’Isère), cette contribution s’intéressera aux représentations que ces personnes produisent autour de leur maladie…