Nous sommes entrés dans une nouvelle ère démographique, placée sous le signe de « l'abondance de l'âge », comme l'appelle Harry Moody. L'augmentation de la durée de vie, qui apparaît désormais comme une véritable « révolution de la longévité », a affecté particulièrement les femmes. Il n'en demeure pas moins une étonnante invisibilité du vieillissement féminin. La littérature à son sujet n'est pas à la mesure de la riche production sur les femmes du dernier demi-siècle, même si elle s'est développée récemment, que ce soit en Amérique du Nord, en Angleterre ou dans les pays francophones, tels que la Suisse, la Belgique ou le Québec. En France, s'il existe quelques rares publications, principalement dans le champ de la gérontologie, qui prennent en compte la spécificité du vieillissement féminin, le silence des études féministes à cet égard est criant.
Simone de Beauvoir a pourtant été une des premières grandes voix féminine et féministe à écrire sur La vieillesse,son essai publié sous ce titre ayant paru en 1970. Il existait à cette date, depuis déjà deux décennies, un nouveau champd'études, la gérontologie sociale. Simone de Beauvoir n'a donc pas réellement « brisé la conspiration du silence » sur le problème de la vieillesse, comme elle l'affirmait alors, mais elle a certainement contribué à lui donner une plus grande visibilité. Pour dénoncer la condition sociale des vieux, elle a usé de mots forts, parlant des « parias » qu'on « exile », de victimes de la « barbarie » de la société…