« L’intérêt de l’État doit marcher le premier », écrivait Louis XIV en 1679 dans ses Réflexions sur le métier de roi. C’est bien en ce sens qu’il faut appréhender l’histoire de l’État moderne durant les soixante-douze années de règne de ce souverain. Alors que fut renforcée la centralisation du pouvoir monarchique, le compromis ne cessa jamais d’orienter les décisions politiques de Louis XIV et de son gouvernement. Le fonctionnement de l’État relevait davantage d’un pragmatisme constant, en prise avec les affaires étrangères ou les réactions des 21 millions de Français. C’est à partir de cette étude, menée sur la période des années 1660 à l’année 1715, que repose l’idée d’un État dit « moderne » précisément parce qu’il était tout à la fois justicier, militaire, fiscal et de plus en plus administratif, autant de dimensions qui contribuèrent à l’émergence d’un État monarchique solide à l’aube du xviiie siècle.Après les événements de la Fronde, les premières années du règne personnel de Louis XIV posaient la question des manières de figurer le roi, autant du point de vue de la politique intérieure que du point de vue international. La concurrence européenne, en particulier avec les Habsbourg de Léopold Ier ou l’Espagne de Philippe IV, exigeait en effet de médiatiser les représentations de la royauté française. Au cours des années 1660, l’image traditionnelle du roi en majesté et du roi de guerre prédominait largement. Depuis le xiiie siècle, le souverain était ponctuellement représenté avec tous les attributs de son pouvoir régalien…