Depuis la fin du xxe siècle, nous apprenons à vivre au contact de la matière calculée. Ses propriétés inédites coulent notre expérience-du-monde possible dans de nouveaux prismes phénoménotechniques. Face à la phénoménalité des êtres numériques, ce que nous avions appris à considérer comme réel tombe en désuétude, nous obligeant à refaire l’apprentissage de la perception pour embrasser la nouvelle ontophanie du monde.
Cet apprentissage au long cours a commencé autour des années 1970 et se poursuit à mesure que nous apprenons à « voir les choses sous l’angle des interfaces ». Aussi, parce que nous vivons une transition ontophanique, nous sommes mieux placés que jamais pour comprendre que la manière dont les choses apparaissent – l’ontophanie – détermine directement la nature de l’expérience que l’on peut en faire. Autrement dit, la qualité de notre expérience d’exister dépend des appareils qui nous entourent et de la manière dont, en tant qu’instruments phénoménotechniques, ils font le monde et nous le donnent. Dans ces conditions, celles et ceux qui ont la charge de concevoir ces appareils doivent être considérés comme philosophiquement responsables de l’expérience, c’est-à-dire de tout ce qui s’offre à être perçu, vécu, éprouvé. Aussi, l’ontophanie numérique n’est pas seulement une phénoménologie nouvelle : elle engage une phénoménologie créative, qui résulte d’un processus de fabrication.
Si toute ontophanie est un résultat phénoménotechnique, alors toute ontophanie est chose fabriquée…
Date de mise en ligne : 05/04/2017.