On peut envisager l’éthique comme une catégorie hétérogène à la pensée analytique, convoquée pour encadrer de l’extérieur cette activité au même titre qu’une autre profession engageant une responsabilité sur l’humain. La pratique de la psychanalyse et la théorie qui l’inspire suscitent alors des interrogations éthiques contraintes imaginairement par les déviations qui ont occupé la scène sociale, et par la comparaison avec des activités proches mais différentes. Ces interrogations peuvent au besoin être utilisées pour rationaliser une méfiance envers l’analyse qui a d’autres sources, mais aussi rencontrer le souci de la communauté analytique de se différencier des abus possibles, favoriser une réflexion au contact de l’évolution sociétale.
Les thèmes de ces interrogations sont essentiellement d’une part celui d’une transgressivité que l’analyse pourrait encourager, voire prescrire, et d’autre part la question de son pouvoir. Cette dernière se déploie dans deux sens opposés : soupçon d’inefficacité sous couvert d’aliénation du chaland, accusation d’abus de pouvoir grâce à cette aliénation même, c’est la question de l’influence. Cette question de l’influence morale sur autrui est celle qui réunit les trois métiers « impossibles » selon Freud, éducation, politique, psychanalyse, puisque c’est leur objet même.
J’aimerais ici réfléchir au contraire à la dimension éthique intrinsèque à l’activité de l’analyste. En effet, même si cette activité n’a pas – cela fait partie de son éthique propre – à exprimer de choix éthique explicite, à tout moment une dimension éthique y est impliquée, de façon complexe, parfois contradictoire, mais proprement structurelle, ce qui, on le verra, relativise toute prescription de comportement…