Des sanglots, des sanglots, des plaintes, des silences et les sanglots qui reprennent…
Deux inconnues, toutes deux très « mal », sont en ligne. L’une dans une détresse qu’elle souhaite exprimer, l’autre dans l’attente, car elle ne sait pas de quelle nature sera cette détresse : elle a été préparée, formée pour tout accueillir, mais le pourra-t-elle ?
« Pleurez, prenez votre temps, tout votre temps, cela vous fera du bien, je vous attends. »
Les sanglots s’espacent, des mots incompréhensibles puis qui s’attachent les uns aux autres, « je suis seule, si seule… ».
Petit à petit, la parole se délie et l’écoutante imagine alors selon ce qu’elle entend, une situation : ce n’est pas la vérité de la situation, elle le sait ; peu importe, c’est ce que dit, ce que ressent l’appelante qui est important. Et ces paroles, il faut, c’est impératif, que la personne qui les émet sache à ce moment précis qu’elles ne sont pas lettre morte, qu’elles sont entendues, comprises, acceptées, même si elles sont agressives, outrancières, délirantes.
Le tableau se complète : la personne est seule, âgée, handicapée.
« Personne ne m’a parlé depuis trois jours. »
L’écoutante alors se pose des questions : est-ce possible ? Elle apprend que le matin et le soir une infirmière vient pour s’assurer que les médicaments sont bien pris, qu’une autre personne assure la toilette, qu’un repas est livré vers midi par la mairie, que la femme de ménage vient un jour sur deux. Néanmoins, l’appelante se sent seule, oubliée de tous, car si chacun a bien fait techniquement son travail, il n’y a pas eu partage : l’échange de mots a été réduit au minimum ; il n’y a pas eu non plus partage d’émotion : l’aidant a fait son boulot, il repart…