Si la perspective féministe apporte un nouveau souffle à l’économie, l’économie répond à certaines questions féministes : comment raconter l’histoire du travail des femmes longtemps passée sous silence ? Que savons-nous de l’état des inégalités et de leur dynamique historique ? Comment comprendre le partage des tâches au sein des couples ? Quelle est l’ampleur des discriminations ?
Les femmes ont toujours travaillé mais leur participation à l’activité économique a longtemps été minorée et sous-estimée. Une approche institutionnaliste permet de comprendre l’organisation sexuée du travail et son évolution en mettant en avant les relations entre trois institutions : la famille, le marché et l’État. Le libéralisme économique du xixe siècle n’a pas mis fin à la domination masculine, il s’est accompagné d’interdictions pour les femmes – interdiction de pratiquer certains métiers, de s’instruire, incapacité juridique –, conduisant ainsi à un capitalisme patriarcal. Ce capitalisme a progressivement été régulé et encadré par les États sociaux, tout aussi patriarcaux. Cette économie politique dite « de Monsieur Gagnepain » devait garantir la prospérité économique et réduire les inégalités entre les classes sociales en distribuant le pouvoir aux hommes et en assujettissant les femmes dans la famille. Le système de protections juridiques et sociales associé au mariage les a renvoyées à un rôle de reproduction. À partir des années 1970, la montée du salariat des femmes et la diversification des formes de famille (avec notamment le développement de l’union libre et l’augmentation des divorces) ont transformé ce modèle…
Date de mise en ligne : 02/11/2020