« Le tabou, au fond, se perpétue encore parmi nous ; bien que formulé négativement et orienté sur d’autres contenus, il n’est, par sa nature psychologique, malgré tout, rien d’autre que l’impératif catégorique de Kant, qui entend agir de façon contraignante et rejette toute motivation consciente. » Ainsi Freud introduit-il, dans la préface de Totem et tabou, en une formulation provocante, son questionnement sur la concordance entre la vie psychique des « sauvages » et celle des « névrosés ». Qu’en est-il aujourd’hui du jeu entre interdit et tabou ?
L’interdit dérive étymologiquement de l’« entredire » du xii
e siècle, impliquant donc la parole échangée. Le tabou a d’abord été un adjectif aux significations contradictoires : dans le vocabulaire polynésien, il désignait ce qui était à la fois « sacré », « consacré », mais aussi « impur » et, de ce fait, « interdit ». Si la frontière entre les deux termes reste parfois floue avec une interface poreuse, la nécessité de l’interdit ne semble pourtant pas s’enraciner exactement dans les mêmes zones du psychisme que le tabou.
Ce volume des « Monographies et débats » se propose de montrer les origines communes des deux concepts, et leurs différenciations qui tiennent essentiellement à la façon dont s’organise le psychisme par rapport aux effets de la pulsion.
La notion d’interdit, qui apparaît chez Freud dès 1895, à propos des Études sur l’hystérie, prélude à la prise en compte de la dimension inconsciente du conflit psychique au cœur du psychisme humain…