« Comment préserver l’hospitalité de l’hôpital, au cœur du système de santé »

Le vendredi 15 septembre 2023, une rencontre autour de l’ouvrage a été organisée de 17h30 à 19h00.

Animateur

• Bertrand Kiefer - Rédacteur en chef de la Revue Médicale Suisse, journaliste, médecin, éthicien.

Intervenants

• Éric Favereau - Journaliste pour Libération et responsable des sujets « santé ». Il travaille également au Centre d'éthique clinique de l'hôpital Cochin, en particulier sur la question de l'institutionnalisation des personnes âgées et sur les patients en suivi psychiatrique. Auteur de Nos années Sida. 25 ans de guerres intimes (La Découverte, 2006).
• Luigi Flora - Codirecteur patient au Centre d’Innovation du partenariat avec les Patients et le Public (CI3P) à la faculté de médecine de l’Université Côte d’Azur (UCA).
• David Gruson - Membre de la Chaire Santé de Sciences Po Paris. Ancien directeur de CHU et conseiller du Premier ministre chargé de la Santé.
• Sarah Dauchy - Psychiatre, présidente du Centre national pour les soins palliatifs et la fin de vie et responsable de la Maison des femmes de l'APHP.
• Béatrice Schaad - Spécialiste en santé publique, professeure diplômée de Harvard School of Public Health à Boston. Titulaire à l’Institut des Humanités en médecine (CHUV et Université de Lausanne, Suisse).

La « machine à guérir » de Foucault serait-elle en passe de devenir une machine à fabriquer du conflit ? Lieu de soins, l’hôpital devient-il lieu de confrontations ? Certains retournements de situation font figure de provocation. Conçu initialement dans le but d’offrir une écoute aux patients et à leurs proches qui ont rencontré des difficultés au fil de leur prise en charge, un dispositif hospitalier de médiation voit des professionnels - toujours plus nombreux - passer son seuil pour se plaindre de leurs patients.  Les doléances des uns faisant écho aux doléances des autres.

Du côté des malades, sont évoqués une communication déficiente, un manque d’égard, des soins promis mais non dispensés ; tandis que les professionnels évoquent de la part des usagers des incivilités, de la violence verbale ou psychique, une remise en question régulière des options thérapeutiques, des consultations filmées à leur insu puis diffusées sur les réseaux sociaux, l’ensemble découlant sur de la peur, une perte de sens, un sentiment d’usure compassionnelle.

Un peu comme si - et de façon paradoxale – l’hôpital devenait inhospitalier pour les différents acteurs qui le vivent et pour ceux qui le font. Inscrit dans une société elle-même traversée de tensions nouvelles – désacralisation des fonctions, luttes contre les discriminations, fragilisation du contrat social - il n’est pas totalement surprenant que l’hôpital se voie pénétré d’antagonismes dont il fut longtemps protégé. Ses murs sont poreux, il est donc en toute logique perméable aux vacillements sociétaux qui l’environnent.

Pourtant, cette « extension du domaine de la lutte » à l’hôpital prend l’allure de l’alerte. Comment a-t-il pu devenir source de tensions entre ceux-là même que la maladie mobilise ? Pourquoi, alors qu’ils sont pourtant confrontés à de comparables pressions (économiques, émotionnelles, administratives), ses principaux acteurs finissent par s’affronter là où les uns et les autres souhaiteraient coopérer ? La fragilisation des relations et plus généralement de l’hospitalité de l’hôpital, pour les principaux acteurs qui l’habitent, est en ce sens à comprendre comme un symptôme emblématique de l’évolution du système sanitaire lui-même.

Questionner la fragilité du caractère hospitalier de l’hôpital aujourd’hui peut sembler de prime abord anecdotique au regard des difficultés auxquelles les systèmes de santé européens sont confrontés : pénurie annoncée de 15 millions de blouses blanches en 2030, vieillissement démographique, augmentation des maladies chroniques, étages hospitaliers engorgés, services d’urgences encombrés au point que des ambulances ont à faire la queue durant plusieurs heures devant des hôpitaux avant de pouvoir confier leurs passagers. Et si l’on faisait l’hypothèse inverse ? Et si l’hospitalité n’était pas une question anecdotique mais un élément cardinal du futur du système sanitaire ?

Cynthia Fleury, qui a rédigé la préface d’(in)hospitalités hospitalières, a également participé à mettre en lumière les enjeux soulevés par l'ouvrage dans le cadre d’une rencontre auteur intitulée « Réenchanter le soin ».