Dans un volume consacré à la représentation et à la visibilité dans l’espace public des corps qui transgressent ou questionnent le genre et l’imaginaire, j’ai décidé de remettre en lumière le mythe d’une prostituée romaine, Acca Larentia, et la fête qui lui est consacrée. Le mérite d’Acca Larentia avait été de léguer au peuple romain le gain obtenu par son métier, tant qu’on lui avait offert comme récompense un culte comme à une bienfaitrice. Ma décision est survenue au moment où je me suis rendue compte que cette vielle histoire s’articulait sur les mêmes axes sur lesquels notre livre était construit : corps, transgression et imaginaire. Le mythe de Larentia parle en effet d’un corps, celui d’une prostituée, qui est à l’origine d’un culte religieux ; il traite aussi de la transgression de la hiérarchie sociale car la position de la prostituée dans cette histoire est sublimée par rapport à celle que les prostituées occupent dans la société romaine ; enfin, « imaginaire » est le mot clé pour définir cette histoire, non seulement parce que ce récit constitue l’arrière-plan discursif d’un culte religieux, mais aussi parce qu’il est une composante des mythes identitaires se déployant entre la naissance de Romulus et Rémus, la fondation de Rome et son organisation sous les premiers rois. Mais, avant de fournir mes pistes de réflexion, il faut raconter les choses dans l’ordre, en commençant par l’intrigue du mythe.
L’histoire de Larentia est connue par un des plus anciens auteurs de la littérature latine, Caton (III-I…