L’idée qu’on assistait depuis le XVe siècle en Italie à la Rinascita des arts est née au milieu du XVIe siècle, lorsqu’on a commencé à en écrire l’histoire. Les Vies… de Vasari (Le vite depiù eccelenti architetti, pittori et scultori, 1550) sont beaucoup plus qu’une suite de biographies : c’est l’histoire d’un progrès triomphant des arts en trois étapes depuis l’âge des « barbares ». Aujourd’hui, le concept de « Renaissance » apparaît discutable à des degrés divers, mais personne ne nie l’impact des mutations qu’a connues l’image aux XVe et XVIe siècles. Sa présence s’est étoffée, ses supports se sont multipliés. Surtout, la nature même de la représentation (le sujet et son traitement) ont subi une inflexion qui a déterminé pour plusieurs siècles l’idée qu’on se faisait d’une image et, d’une certaine façon, celle qu’on se faisait du monde. On songe à la construction perspective, qui a accompagné et parfois informé la pensée spéculative du XVIIe siècle. Mais on songe plus encore à l’idée fondamentale que l’image est le fruit d’un concetto (un concept, un projet), et qu’entre ce concept et sa réalisation prend place le disegno (le mot signifie à la fois dessein et dessin) de l’artiste.
L’art créateur par excellence, l’art fédérateur de toutes les techniques, l’art qui domine la Renaissance et l’âge classique est celui du dessin. L’homme du disegno, accoucheur du concetto, ne pouvait plus être considéré comme un simple artisan (artifex). La conception de l’artiste (artista), qui émergea peu à peu, répondait à cette nécessité : celle de nommer l’acteur d’une pratique et d’un idéal nouveaux…
Mise en ligne 03/06/2022