Je me suis exprimé à diverses reprises sur les idées de Lacan concernant les relations du langage et de l’inconscient. J’y ai consacré divers travaux dont l’un, en 1983, traite du problème en détail. J’y suis revenu à diverses reprises, en particulier en 2005, dans la préface de l’ouvrage Au commencement était la voix, et plus récemment encore, en 2007 dans un article sur « Langue, parole psychanalytique et absence » paru dans la Revue française de psychanalyse.
Vers 1950, la pensée psychanalytique française s’est orientée vers l’étude des rapports du langage et de l’inconscient sous l’influence du mouvement structuraliste. En 1953, Lacan présenta son rapport de Rome, « Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse » ; ce temps-là coïncida avec la scission qui divisa la SPP et la future Société française de psychanalyse. Les allusions qui rattachent la psychanalyse au structuralisme y sont rares. Il faut attendre plus de la moitié du rapport de Rome pour repérer une mention de la pensée de Lévi-Strauss, et la proposition : « Cette loi se fait donc suffisamment connaître comme identique à un ordre de langage. » L’allégeance aux travaux de Lévi-Strauss ne sera pas payée de retour. Celui-ci attendra la mort de Lacan pour s’expliquer. Il avouera plus tard n’avoir jamais rien compris à ce qu’écrivait Lacan, tout en affirmant son désaccord avec les fondements théoriques de la psychanalyse. Mais ce n’était qu’une étape pour Lacan. Il devait s’efforcer de poursuivre l’inspiration linguistique en la prolongeant vers la mathématique…