J’aimerais, dans ce chapitre, évoquer les souvenirs que m’ont laissés certaines de mes déceptions. Je parle de souvenirs, et non d’observations détaillées car je n’ai pris aucune note la plupart du temps, même s’il m’est arrivé au cours de mes articles de mentionner plus ou moins longuement ces cas ou certains traits se rapportant à eux. Souvenirs d’expériences décevantes, mais non mauvais souvenirs. En pensant à ceux que je cite, je n’ai pas eu le sentiment d’avoir regretté de m’être occupé d’eux, même s’il m’est souvent arrivé de m’impatienter face à leurs résistances ou d’éprouver de la déception face à l’obstination dont ils ont fait preuve, à une époque où j’ignorais encore ce que je devais appeler le travail du négatif. J’ai rencontré ces cas très tôt dans ma pratique, souvent parce que des maîtres ou des aînés me les avaient adressés en surestimant sans doute mes capacités thérapeutiques. Je ne me suis jamais considéré comme un thérapeute capable de prouesses, mais je puis dire que je me suis efforcé de rester analyste, tout en tenant compte de ce que j’imaginais des besoins de mes patients.
Ce qui me frappe aujourd’hui, c’est que ces cas n’ont jamais manqué dans la série des analysants que j’ai traités, depuis le début de ma pratique jusqu’à aujourd’hui. J’espère seulement être à présent un peu moins maladroit ou moins impatient. Non que je réussisse aujourd’hui là où j’ai échoué hier ; mais j’ai l’impression de mieux comprendre la raison d’être de certaines angoisses, comme la nécessité de certaines défenses, chez des personnes qui paraissent ne pas pouvoir prendre le risque d’un changement qui les exposerait dangereusement…
Mise en ligne 28/06/2022