« Je suis entré dans une fureur noire quand j’ai appris qu’Albertini déambulait tranquillement dans les murs du parti gaul-
liste ! » Cet ancien ministre témoin de la scène, au début des années 1970, n’en revient toujours pas. Comment un soutien de premier plan à l’Allemagne hitlérienne, condamné à la Libération, architecte des officines patronales d’après guerre, pouvait-il bénéficier d’une telle impunité dans le sanctuaire politique du général de Gaulle ? Quelques années plus tard, Georges Albertini (1911-1983) bénéficiera même d’un bureau, rue de Lille, après avoir encouragé et supervisé les premiers pas en politique d’un certain Jacques Chirac, puis la création du Rassemblement pour la République (RPR) en 1976.
Tout le mystère Albertini tient dans cette histoire. Avant guerre successivement socialiste, syndicaliste CGT et pacifiste, puis bras droit du collaborationniste Marcel Déat sous l’Occupation, Georges Albertini réussit pourtant à devenir un incontournable « tireur de ficelles » politiques sous la IVe puis la Ve République, éminence grise de personnalités aussi diverses que Vincent Auriol, Edgar Faure, Guy Mollet, Georges Bidault, Georges Pompidou ou Marie-France Garaud. Muni d’une seule boussole, l’anticommunisme, Georges Albertini a été l’organisateur d’une myriade d’officines patronales, particulièrement actives de la guerre froide jusqu’aux années 1970. Jusqu’à sa disparition en mars 1983, il tiendra à rester un homme de l’ombre. Albertini avait donné pour consigne à l’un de ses proches de faire disparaître les milliers de notes quasi quotidiennes qu’il classait depuis plus de trente ans…