La notion d’aliénation est un objet incontournable de l’histoire de la pensée critique au xxe siècle. En un sens très général, elle est souvent employée pour désigner une expérience – ou l’état qui résulte de l’expérience – par laquelle quelque chose qui nous est propre (une activité, le produit de notre activité, une dimension de nous-même comme individu ou comme représentant du genre humain) devient étranger à nous, et se retourne contre nous en exerçant une contrainte extérieure sur nous-même, causant ainsi un sentiment négatif (sentiment de privation, dépossession, impuissance, souffrance). Si cette notion trouve ses origines dans la théorie politique et philosophique des xviie et xviiie siècles, et surtout dans les œuvres de Hegel au xixe siècle, la célébrité qu’elle connaît dans les débats marxistes et socialistes au xxe siècle est d’abord liée à la réception très tardive des textes du jeune Marx.
Pourtant, loin d’être perçue comme un héritage incontestable de la pensée de Marx, et donc comme un outil légitime pour la pensée socialiste, la notion d’aliénation est critiquée par une partie de ceux qui se réclament de Marx ou du marxisme, et elle nourrit des années 1930 aux années 1970 des discussions dont les enjeux sont à la fois théoriques et politiques. On s’interroge en effet sur le statut qu’elle a dans les différents textes de Marx, et par suite sur la place qui peut lui revenir au sein d’une théorie marxiste. Mais c’est dans le contexte de la déstalinisation commençante de…
Mots-clés éditeurs : Travail, Marxisme, Marx K.
Date de mise en ligne : 17/11/2022
https://doi.org/10.3917/puf.keuch.2021.01.0023