Les mouvements sociaux ne sont pas tous des mouvements de classe. À côté du mouvement paysan ou du mouvement ouvrier, il existe des mouvements interclassistes. C’est précisément le cas de celui des anciens combattants.
Son importance dans l’entre-deux-guerres, totalement méconnue aujourd’hui, est une particularité française, qui s’explique sans doute parce qu’ils étaient tous citoyens, à la différence de leurs homologues allemands ou britanniques. Au début des années 1930, la Confédération nationale des anciens combattants comptait trois millions d’adhérents, quand, jusqu’aux grèves de 1936, la CGT comptait moins de 800 000 syndiqués. Les deux plus puissantes associations combattantes, l’Union fédérale (UF) et l’Union nationale des combattants (UNC), regroupaient la première un peu plus et la seconde un peu moins de 900 000 adhérents, alors que la British Legion, en situation de quasi-monopole, n’a jamais dépassé 400 000 membres. En France, il existait des associations vivantes de mutilés et/ou d’anciens combattants dans près de deux communes sur trois, et l’on dénombrait en 1932 au sein du mouvement combattant plus de 235 hebdomadaires ou mensuels. Par son ampleur et par la densité de son réseau, c’était alors un acteur qui comptait politiquement et socialement.
Sa structure s’explique par ses origines : il s’est constitué en deux vagues successives, la première pendant la guerre même, la seconde lors de la démobilisation.La guerre faisait beaucoup de blessés. Les plus atteints passaient de longs mois dans les hôpitaux ou les dépôts des régiments en attente de la décision médicale qui les renverrait au front ou les rendrait à la vie civile…