Il est rare que la gauche au pouvoir n’ait pas été désignée par une formule — Bloc des gauches, Cartel des gauches, Front populaire, union de la gauche, gauche plurielle —, preuves s’il en est qu’il n’a jamais existé « une » gauche, mais bien « des » gauches et que, chaque fois ou presque, qu’une gauche a gouverné, elle a eu besoin d’être aidée par une autre ou des autres gauches. La gauche plurielle ne s’est pas dénommée ainsi d’entrée. De « majorité plurielle », c’est ensuite, dans le langage courant, qu’elle est devenue gauche plurielle, plus précisément en 1999, d’après l’index de L’Année politique. Ce changement n’était pas sans conséquence : on passait ainsi d’une acception seulement gouvernementale à une acception politique, facilitée par le fait que les Verts se reconnaissaient maintenant de gauche.
À la suite de la déroute des élections de 1993 —seuls 68 députés socialistes et apparentés avaient été élus, ainsi que 24 communistes contre une majorité de 485 députés de droite —, c’est véritablement la majorité de gauche de 1981 qui avait perdu le pouvoir. Le Parti socialiste n’espérait pas grand-chose des élections présidentielles de 1995. Il n’avait même plus de candidat pour succéder à François Mitterrand, surtout depuis que Jacques Delors — pourtant crédité de chances sérieuses — avait annoncé le 11 décembre 1994 qu’il ne le serait pas. Il était convaincu qu’il ne parviendrait pas à gouverner avec un Parti socialiste qui, lors de son congrès à Liévin (18-20 novembre 1994), venait d’adopter un programme très « gauchi »…