Si l’idée de la construction européenne est ancienne, elle se matérialise par des projets concrets uniquement après la Première Guerre mondiale, alors que le déclin du continent et l’exigence de paix s’imposent aux yeux de tous.
De quand date l’idée de construction européenne ? De nombreux projets ont agité les intellectuels depuis l’époque moderne et au xixe siècle ; Victor Hugo appelait par exemple en 1849 à la formation des « États-Unis d’Europe ». Mais c’est en 1918 que des décideurs de premier plan ont sérieusement considéré cette hypothèse [Bruneteau, 2006 ; du Réau, 2001]. La Première Guerre mondiale inaugure trente années de déchaînements nationalistes et d’autodestruction. Le continent européen en sort exsangue. Dès 1918, des signes clairs de déclin européen apparaissent : aux 10 millions de décès liés directement au conflit s’ajoute une situation de dépendance financière inédite. Créditrice avant guerre, l’Europe devient débitrice, notamment envers les États-Unis — et sa domination coloniale connaît une contestation accrue.
En 1920, dans son ouvrage Le Déclin de l’Europe, le géographe Albert Demangeon a étudié l’émergence de deux puissances nouvelles, les États-Unis et le Japon. L’écrivain Paul Valéry prophétisait quant à lui une année plus tôt dans La Crise de l’Esprit : « L’Europe deviendra-t-elle ce qu’elle est en réalité, c’est-à-dire : un petit cap du continent asiatique ? » Des mouvements européistes, appelant à renforcer l’unité du continent, émergent alors…