Près de cent ans après la pendaison d’Enguerrand de Marigny, les Parisiens ont droit de nouveau à l’exécution publique d’un vieillard jusque-là puissant et respecté, et ils sont frappés à leur tour par la contenance courageuse du condamné.
Pourtant, Jean de Montaigu n’était pas populaire. grand-maître de l’hôtel du roi Charles VI, il avait la haute main sur les finances publiques, fonction qui, on l’a vu, ne plaît jamais au peuple. Il faisait partie du groupe des marmousets, anciens conseillers de Charles V, ainsi appelés par allusion aux figures grotesques ornant alors les chenets des cheminées. Ils avaient été écartés à la mort du roi par les oncles et tuteurs de Charles VI encore mineur. L’aîné de ceux-ci, Louis d’Anjou, tout à ses projets de conquêtes en Italie, avait commencé par faire main basse sur le Trésor royal. Le duc de Berry son cadet, mécène de premier plan, mais cupide en proportion, ne pensait qu’à pressurer les contribuables de son ressort. Quant au benjamin, le duc de Bourgogne, Philippe le Hardi, il avait des ambitions politiques de grande envergure. Pour eux, ces hommes qui, comme autrefois les légistes de Philippe le Bel, se voulaient les serviteurs inconditionnels d’un Etat fort et supérieur aux intérêts particuliers, étaient des gêneurs dont il fallait se débarrasser au plus tôt.
Cependant, les marmousets n’ont pas tardé à revenir. En 1388, Charles VI a vingt ans, il est temps qu’il s’émancipe et gouverne seul. Le 3 novembre, à l’instigation du cardinal de Laon, Pierre Aycelin de Montaigu, la décision en est prise au Conseil : le roi remercie ses oncles pour leurs bons offices et les congédie…