Notes
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[1]
S. Bianchi, « Révolution française et utopie », Annales historiques de la Révolution française, vol. 2, n° 388, avril-juin 2017, p. 3.
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[2]
Michael Löwy, « Miguel Abensour, philosophe subversif », Raisons politiques, vol. 2, n° 54, 2014, p. 153-159. Disponible en ligne : www.cairn.info/revue-raisons-politiques-2014-2-page-153.htm
-
[3]
Ibid.
-
[4]
Ibid.
-
[5]
De Blanqui à Benjamin, on retrouve l’idée de catastrophe, non pas comme une menace téléologique mais pouvant faire irruption à chaque instant : « Le concept dialectique de temps historique de Benjamin s’oppose aussi bien aux idéologies du progrès qu’à l’idée de l’éternel retour, mais il est persuadé que l’utopie doit se mesurer à l’hypothèse de la catastrophe en permanence suggérée par Blanqui. » Voir M. Löwy, op. cit. note 2, p. 155.
-
[6]
M. Löwy, « Messianisme, utopie et socialisme moderne », Raison présente, vol. 1, n° 189, 2014, p. 83.
-
[7]
M. Löwy, « Mannheim et le marxisme : idéologie et utopie », Actuel Marx, vol. 1, n° 43, 2008, p. 45.
-
[8]
Telle était la mise en garde formulée par Walter Benjamin en 1929. Voir « Le surréalisme », in Œuvres II, Paris, Gallimard, 2000, p. 132-133.
-
[9]
Aldo Rossi, « Introduction à Boullée », Institut universitaire d’architecture de Venise, Marsilio, Padoue 1967.
-
[10]
La pensée architecturale italienne interroge le concept d’utopie à la lumière d’une révision critique de ses occurrences modernes. La question de la charge utopique du projet est mise en avant : comme pour la plupart des variables intervenant dans le processus de conception, la nature du concept d’utopie y est déplacée : « Les utopies sont chez Tafuri plutôt des paradigmes qui représentent des fonctions culturelles spécifiques dans un système historiquement donné ». Voir Marco Assennato, « Une Marseillaise sans Bastille à prendre : Manfredo Tafuri enquêté par la philosophie », thèse de doctorat en architecture, université Paris-Est, soutenue le 5 mai 2017, p. 298.
-
[11]
J.-L. Cohen, La Coupure entre architectes et intellectuels, ou les enseignements de l’italophilie, [1984], Bruxelles, Mardaga, 2015, p. 40.
-
[12]
Ibid., p. 16.
-
[13]
Italophilie qui intervient sur ce contexte de double désertion technique/culturelle : « Le projet généreux d’une grande réconciliation des savoirs architecturaux et des savoirs techniques, d’un rétablissement de la communication entre l’architecture et les sciences de l’ingénieur […] passe sans doute aussi par la reconstruction des rapports de l’architecture avec la culture. » Voir J.-L. Cohen, op. cit. note 11, p. 43.
-
[14]
Gisèle Cloarec, Christophe Perrocheau (dir.), Rendre possible. Du Plan construction au Puca : 40 ans de réalisations expérimentales, Éditions Puca, coll. « Recherche », n° 208, juillet 2012.
-
[15]
C. Simonnet, « Technique sans trace », in PAN, 20 ans de réalisations, Paris, ministère de l’Équipement/Techniques & Architecture, 1992, p. 21.
-
[16]
Les problématiques qui émergent autour de l’habitat réactivent la synergie entre technique de mise en œuvre et technique de projet, reléguée des décennies durant.
-
[17]
C’est le cas de projets qui explorent la possibilité de concilier le logement évolutif avec un travail sur la ville historique (« Structure évolutive industrialisée démontable », D. Izoard et al., Pan 5 ; « Un patrimoine domestique », ARBA, Amiens, Pan 8), ou bien avec les usages (« Participatif », L. Kroll, Marne-la-Vallée, Pan 8), ou encore qui engagent un savoir sur les trames pour insérer le projet dans la morphologie urbaine (« La Structure sous la ville », D. Bastid, P. Bazaud, M. Gravayat, Évry, Fécamp, Pan 5 ; « Vocabulaire Urbain », Atelier 13, Épinal, Pan 5) ou bien pour en créer (« Une histoire contemporaine » P. Dubois, Reims, Pan 10). On pourrait, par ailleurs, ajouter que l’impératif d’innovation technique a laissé des traces (aussi) dans les domaines de la pédagogie et de la recherche. Voir, à ce sujet, l’analyse de J.-L. Cohen, op. cit. note 11, p. 42.
-
[18]
D. Perrault, « Les 20 Mairies de Paris. Insertion dans le tissu urbain. Adaptation d’un plan-type », TPFE, Ensa Paris-La Villette, 1978.
-
[19]
A. Rossi, L’Architecture de la ville, [1966], Paris, Éditions de l’Équerre, 1981 ; G. Grassi, L’Architecture comme métier et autres écrits, Bruxelles/Liège, Mardaga, 1983.
-
[20]
Programme architecture nouvelle, règlement de la 12 e session du PAN, 1980-1981 : « Architectures : du logement aux équipements de quartier », Paris, Plan Construction, 1982, p. 20.
-
[21]
Ibid.
-
[22]
Programme architecture nouvelle, op. cit. note 20, p. 54.
-
[23]
D. Perrault, « Petites barres douces », entretien avec Marie-Christine Loriers, Échos de la recherche et de l’expérimentation, Plan Construction et Habitat, n° 2, avril 1986, p. 7-8.
-
[24]
D. Perrault, Dossier PAN XII, tapuscrit conservé aux Archives municipales de la ville de Rezé, 1982, p. 9.
-
[25]
Programme architecture nouvelle, op. cit. note 20, p. 45 et suivantes pour les propos du jury.
-
[26]
« L’utilisation de deux points de vue se faisant concurrence, s’altérant, se complétant, crée pour la fabrique du projet un nombre de réponses infinies », avait écrit D. Perrault dans le mémoire qui accompagnait le projet. Voir Dossier PAN XII, op. cit. note 24, p. 11.
-
[27]
Propos tenus par Jacques Floch in L’Architecte-citoyen, Dominique Perrault-Jacques Floch, une rencontre, un parcours – Ville de Rezé (1982-1986), film, programme de recherche « 1989, le hors-champ de l’architecture officielle », laboratoire ACS, Ensa Paris-Malaquais, octobre 2019.
-
[28]
« 15 ans de PAN. Analyse urbaine. 1971-1986 », Urbanisme, n° 214, 1986, p. 124-125.
-
[29]
D’après J. Floch, certaines réalisations de la ville dans les décennies suivantes (Maison de quartier de Trentemoult, promenade des bords de Loire, pont des Trois-Continents, tracés routiers, Nouvelles Cliniques Nantaises) étaient préfigurées dans la proposition de D. Perrault.
-
[30]
Opération livrée en 1986 dans le cadre d’une procédure étatique d’innovation (Réalisation Exemplaire du Plan Construction). Maître d’ouvrage : La Nantaise d’Habitations.
-
[31]
D. Perrault, Dossier PAN XII, op. cit. note 24, p 11.
-
[32]
Programme architecture nouvelle, op. cit. note 20, p. 53.
-
[33]
D. Perrault fait partie de la génération ayant bénéficié de l’effervescence qui a suivi la création des UP d’architecture, sur fond de querelle opposant les tendances postmoderne et néomoderne. Au sujet de cette querelle, voir Jacques Lucan, Architecture en France, 1940-2000, Histoire et Théories, Paris, Le Moniteur, 2001, p. 275, cité par Juliette Pommier, « 6 juillet 1990, Bernard Huet démissionne », in Anne Debarre, Guillemette Morel Journel (dir.), 1989, hors-champ de l’architecture officielle : des petits mondes au Grand. Transmissions, Ensa Paris-Malaquais, coll. « 1989 », 2020, p. 28.
-
[34]
Voir introduction in « Les 20 Mairies… », op. cit. note 18.
-
[35]
Le Corbusier, Pierre Jeanneret, Œuvre Complète, vol. 1 : 1910-1929, Zurich, Éditions d’architecture Erlenbach, 1946.
-
[36]
Le Corbusier, « Maisons en série », in Vers une architecture, [1923], Paris, Flammarion, 1995, p. 200. Soline Nivet a montré que la maison Citrohan croise la cellule de la chartreuse pour composer les appartements de l’Immeuble-villas dans son livre Le Corbusier et l’Immeuble-villas. Stratégies, dispositifs, figures, Wavre, Mardaga, PhpOffice\PhpWord\Element\Link, 2011, p. 37.
-
[37]
G. Baines, « Du “système Dom-Ino” au “type Citrohan” », in Patrick Burniat (dir.) Le Corbusier et la Belgique, rencontres de la Fondation Le Corbusier, Bruxelles, CFC Èditions/Fondation Le Corbusier, 1997, p. 47-61.
-
[38]
Voir J. Floch in L’Architecte-citoyen…, op. cit. note 27.
-
[39]
Contrairement à une doxa très répandue, les éléments extérieurs au vocabulaire traditionnel de l’architecture — et notamment les volumes platoniciens — ne renvoient pas, dans le travail de Boullée et de Ledoux, à la fonction de l’édifice mais à des abstractions : « Les bâtiments de destination différente ont tous une forme sphérique qui, en symbolisant une idée abstraite (la perfection), ne s’associe à aucune fonction concrète », explique Nicolas Molok. Rappelons que la qualification d’« architecture parlante » revient à Léon Vaudoyer et correspond à une vision romantique posée a posteriori sur l’architecture de la période révolutionnaire. Voir N. Molok, « “L’architecture parlante”, ou Ledoux vu par les romantiques », Romantisme, n° 92, 1996, p. 48.
-
[40]
« 15 ans de PAN. Analyse urbaine. 1971-1986 », op. cit. note 28, p. 67.
-
[41]
Ibid., p 11.
-
[42]
D. Perrault, « Petites barres douces », op. cit. note 23.
-
[43]
D. Perrault, Dossier PAN XII, op. cit. note 24, p. 8. La question du régionalisme est très vive dans l’espace-temps concerné. Le Pan consacrera une session au régionalisme dans la Région Ouest : Architectures contemporaines et cultures régionales : vers une conciliation.
-
[44]
Comme ceux proposés aux étudiants italiens dans les cours de Saverio Muratori, Carlo Aymonino, ou encore Giorgio Grassi. Aucun relevé typologique des maisons de Trentemoult n’intervient dans la démarche.
-
[45]
D. Perrault, « Petites barres douces », op. cit. note 23.
-
[46]
Perrault architecture, consulté le 24 septembre 2018, www.perraultarchitecture.com
-
[47]
« 15 ans de PAN. Analyse urbaine. 1971-1986 », op. cit. note 28, p. 67.
-
[48]
Programme architecture nouvelle, op. cit., note 20, p. 55.
1789-1989 : l’utopie en question
« Où s’arrête l’Utopie ? Où commence la Révolution ? Longtemps, les concepts d’Utopie et de Révolution ont été pensés contradictoires, l’imaginaire de la Cité idéale semblant incompatible avec l’expérimentation en temps réel de réformes générant des tensions politiques et sociales », écrit Serge Bianchi. Mais, ajoute-t-il, « ce serait méconnaître les rapports autrement intimes entre les deux “genres”, plus particulièrement dans la prise en compte par les dirigeants révolutionnaires des questions sociales [1] ».
2Entité imaginaire pourvoyeuse de valeurs à l’usage de la révolution ? Certes. Mais encore : « Marx insistait, en critiquant Cabet, sur l’articulation entre utopie et révolution. En effet, c’est la révolution de 1789 qui va susciter l’extraordinaire floraison utopique du xixe siècle, c’est elle qui rendra vie aux espérances utopiques de l’humanité [2] ». Michael Löwy montre combien le philosophe matérialiste a changé la trajectoire du concept d’utopie, en y imprimant une série d’inflexions. Dans un premier temps, le retournement dialectique désactive, et le rapport de causalité, et la fixité des instances en jeu. Surviennent ensuite le déplacement du concept par la critique du « substitutionnisme » des penseurs utopiques (« une parole géniale prétend se substituer à la spontanéité du mouvement social [3] ») ; puis, la conversion de la nature du concept. En somme, « contrairement à ce que proclame un certain dogmatisme, Marx n’a pas proclamé la fin des utopies, mais a inventé un sauvetage de l’utopie dans l’historicité, grâce à une ontologie dialectique [4] ». Dès lors, et en raison de sa reformulation incessante dans l’action par l’action, de son ancrage collectif, de son rapport à des circonstances précises, l’utopie sera déclinée aussi bien à la faveur d’une émancipation possible que pour parer à la catastrophe probable [5].
3C’est dans l’entre-deux-guerres, période marquée par l’expérience des avant-gardes — combat collectif sans trêve avec l’utopie contre l’utopie —, que le sociologue Karl Mannheim fait une mise au point d’une portée radicale pour la recherche à venir : relèvent de l’utopie « toutes les représentations, aspirations ou images de désir (Wünschbilder) qui s’orientent vers la rupture de l’ordre établi et exercent une “fonction subversive” (umwälzende Funktion) [6]. » En tant qu’elle « dévaste, partiellement ou entièrement, le régime ontique (Seinsordnung) du moment », l’utopie se distingue de l’idéologie, qui « sert au maintien de l’état de choses existant, contribue à la reproduction du régime de vie en place (Reproduktion der bestehende Lebensordnung) [7] ».
4Arrachée à l’abstraction, à l’intemporalité, à la qualité d’imago, l’utopie jouerait, dans l’action révolutionnaire, un rôle opératoire : garde-fou contre l’idéologie aux prises avec le risque de son possible devenir-idéologie, dispositif de réactivation du désir actualisant un champ au-delà du champ, et avec lui, la faculté d’envisager autre chose que ce qui est, puis de penser avec : anticiper, démultiplier le questionnement. De penser contre aussi : désorganiser le champ pour y semer des perspectives qui désertent les consensus et empêchent les discours partagés de se constituer en modèles ; se soustraire à l’appel de déterminismes plausibles et d’accommodements captieux [8].
5La Révolution de 1789 aurait laissé dans son sillage, outre « des » utopies, un « effet d’utopie » : non pas imaginer, encore moins espérer, mais penser avec, penser contre. Dans le champ de l’enseignement de l’architecture et de son renouvellement théorique — et plus tard dans celui de l’exercice professionnel, intimement lié à la commande publique —, se dessine la figure de l’architecte rationaliste : « celui qui — écrit Aldo Rossi — après avoir construit un système logique de l’architecture, se propose d’en vérifier continuellement, avec différents projets, les principes établis. La rationalité du projet consiste dans l’adhésion à ce système [9]. » Rationalité, j’aimerais ajouter, qui évolue dans le voisinage de l’utopie, s’en approche, s’en éloigne, opère avec. Qu’en est-il, à l’horizon 1989, de cette rationalité ?
Utopies architecturales ou architectures de l’utopie ?
6La théorie du projet architectural est, depuis la Renaissance, redevable d’images véhiculées par des utopies. Or, sous le crayon des architectes de la période révolutionnaire, l’utopie fournira moins un répertoire d’images que les conditions d’un déphasage de la pensée. Ce n’est pas parce qu’il conçoit des projets à la réalisation improbable que le travail d’Étienne-Louis Boullée relève de l’utopie, mais parce qu’il y condense un savoir historique pour le détourner, puis l’introduire dans des configurations inédites. Claude-Nicolas Ledoux conçoit la cité idéale de Chaux en tant qu’utopie sociale spatialisée, mais c’est dans sa manière d’ériger le vocabulaire architectural contre les prescriptions académiques, de renverser les règles de la taxis, de mettre à plat les convenances, que son esprit d’utopie opère.
7C’est en reprenant ce fil que les théoriciens de la Tendenza italienne problématisent l’utopie — redevenue entre-temps, des propositions urbaines du xix e siècle à celles, technologiques, des années 1960, image d’un avenir souhaitable ou honni — et lui attribuent un rôle d’opérateur dans la conception architecturale : ni images d’avenir, ni rebuts de passé, les utopies seront constitutives de certaines œuvres, prises dans leur matérialité immédiate [10]. Qu’advient-il, dans la pratique, de ce concept d’utopie — paysage de désir, force de subversion, tension immanente à certains objets — qui, forgé dans les marges du milieu architectural français en temps de révolution, s’y invite deux siècles plus tard par l’entremise de la pensée italienne ?
Les politiques de la ville à l’horizon 1989
8Au début des années 1980, Jean-Louis Cohen pose un regard sur la scène française de l’immédiate après-guerre :
« La subordination du débat architectural aux grandes orientations de la politique publique aura des effets […] sur la culture architecturale tout comme sur les conditions de la pratique de l’architecture et le champ laissé à celle-ci : avec le lancement des grandes opérations de logements faisant suite au Plan Courant, un redécoupage des compétences va se réaliser insidieusement, et qui verra les architectes abandonner une série de leurs prérogatives au bénéfice de ces acteurs nouveaux que seront les bureaux d’études : cette scission entre architectes et ingénieurs […] va marquer durablement le contexte français et le distinguer des autres contextes européens [11]. »
10Contexte qui verra l’émergence d’une distinction supplémentaire :
« Quand bien même les architectes français se révèlent-ils capables d’absorber les rayonnements d’autres univers que le leur — en l’occurrence l’Italie —, ils n’en restent pas moins incapables de produire la mémoire de leur propre culture. Cette névrose de l’oubli s’étend à nombre de segments de l’appareil d’État touchant à l’architecture, tels que l’enseignement ou la politique de promotion, et me semble être un des symptômes les plus graves de la crise de l’architecture comme discipline et comme culture [12]. »
12On sait combien, à partir de 1972, les éditions successives du Programme architecture nouvelle (Pan) vont jouer un rôle de premier plan dans l’histoire de la réception de théories architecturales et dans l’élaboration de nouveaux modes opératoires. Il semblerait que certains projets aient eu — aussi — pour effet de bousculer des pratiques établies. C’est autour de ce débat qui, teinté d’italophilie [13], a exacerbé la pensée critique, déplacé les topoï de l’analyse urbaine et accueilli une poussée désirante, que les outils institutionnels et juridiques destinés à encadrer la rénovation urbaine se multiplient. De ce fait, ils deviennent, outre leur rôle dans la pratique et en raison de celui-ci, des instruments de critique de la politique qui les porte. Non par hasard, l’ouvrage consacré à la trajectoire du Plan Construction sera intitulé Rendre possible [14]. Portée collectivement, permettant d’opérer un pli interne à la discipline, l’utopie n’est pas loin.
13De nouvelles manières de faire la ville se mettent en place à l’horizon 1989, qui résultent du croisement de ces outils et de l’engagement d’architectes qui comprennent l’intérêt de s’en saisir. C’est le cas de Dominique Perrault, dont le parcours suit les méandres des « possibles » ouverts par le Plan Construction. Le travail — délibérément expérimental — d’un très jeune architecte non encore expérimenté peut-il relever d’une dynamique de l’utopie façonnant en temps réel, et le projet, et sa matérialisation ? L’analyse révèle, me semble-t-il, que ce travail s’insère dans les discours et les pratiques installées pour en prendre le contre-pied. Typique dans les questions qu’elle pose, atypique dans les réponses qu’elle apporte, sa démarche — qui opère au cœur des politiques publiques — montre combien l’effet d’utopie peut travailler le champ d’action et le décomposer. Je propose de déceler les lignes qui traversent cette démarche pour comprendre comment un « petit » projet a pu instiller, sur la scène architecturale, une manière de penser contre.
L’impact culturel du Programme architecture nouvelle«
Si la qualité des réalisations s’est trouvée sensiblement améliorée, ce n’est pas dans l’activité de construire qu’il faut en chercher les causes, mais dans l’avènement d’une nouvelle “culture urbaine” », écrit Cyrille Simonnet à l’occasion d’une analyse rétrospective des Pan. « À partir de la 7e session, les “nouveaux architectes” substituent aux arguments de l’innovation, une stratégie originale : celle du projet urbain : s’affranchir des diktats technologiques ». Et de conclure : « l’industrie, les modèles, les systèmes proliférants s’effaçaient devant la typo-morphologie, le “tissu”, la rue, la place, la maison, la banlieue [15]. »
15Je pense que ces propos pourraient être nuancés. Il semblerait que, sommé de disparaître au profit de la qualité architecturale, l’impératif d’innovation technique ait parfois laissé des traces et continué, de façon plus ou moins implicite, de travailler les projets. Car, certains exemples le montrent, l’évolution des « systèmes proliférants » vers une industrialisation ouverte ainsi que les réflexions que cette transition a mobilisées — la manipulation de trames, grilles et modules organise une pensée de la combinatoire et de l’association — ont fourni des moyens de mise en œuvre pour les propositions de l’architecture urbaine : rénovation douce, travail sur les types historiques et leur complexité spatiale, possibilité d’accueillir la participation des habitants, nécessitent une maîtrise de la question technique [16].
16En effet, la deuxième génération des PAN a vu la convergence, autour de cette pensée de la combinatoire et de l’association, de différentes sources : premièrement, le processus de maturation des questions techniques menée par la première génération ; ensuite, la culture de l’architecture urbaine en provenance des universités italiennes ; enfin, l’héritage des architectes français de la période révolutionnaire. Toutes posent, de manières différentes et complémentaires, la question de la rationalisation du projet. Peu à peu, des continuités se seraient établies dans la pratique, qu’il convient de révéler.
17D’une part, une pensée qui tente d’articuler le type historique et le prototype industriel s’esquisse. En résulte une praxis basée sur une appropriation technique du type historique, qui constitue, me semble-t-il, l’une des spécificités de la réception des théories sur l’analyse urbaine en France. Comment articuler ces deux savoirs au moment du projet, puis de la fabrication de l’objet architectural, telle est la question que soulèvent nombre de propositions que je dirais « de transition » (Pan 5, 1974 à Pan 10, 1978). Ainsi, loin d’avoir été infructueuses, les recherches autour de l’innovation technique auraient préparé les architectes aux notions de flexibilité, de mobilité, d’évolutivité.
18La nécessité d’une théorie complexe sur la ville et ses architectures, doublée d’une théorie du projet, apparaît déjà en creux dans la culture de l’innovation technique. L’analyse urbaine à l’italienne apporte des réponses à des questions que certains architectes français se sont déjà posées, et fournit des outils pour passer de la topologie à la topographie, ou de la ville abstraite à la ville réelle. Ainsi, plus que de « réception », je parlerai d’une rencontre d’opportunités qui décuple les possibles. Le savoir technique accumulé permet d’arracher le type historique à une pure spéculation théorique pour envisager la mise en œuvre de ses variations. En résulteront des projets mixtes, où l’articulation type-prototype joue un rôle de facilitateur [17].
19D’autre part, une forme particulière de réception se dessine, qui va opérer un pli de la pensée architecturale française sur elle-même, en renouveler le regard et inaugurer une appropriation critique de ses objets. Dans ce cas, l’apport italien est moins un ensemble de contenus et de méthodes qu’un catalyseur venant relancer la circulation ou la reprise de théories, modes opératoires et positionnements politiques qui traversent deux siècles de pratiques architecturales en France. Dans le corpus — par ailleurs hétérogène — des Pan, quelques exemples en témoignent. C’est le cas du projet de Dominique Perrault pour le Pan 12, qui croise deux thèmes récurrents de cette tradition inaugurée par les architectes de la période révolutionnaire : une réflexion sur le rôle social de l’architecte et sur son implication dans les politiques publiques, puis une théorie de la composition basée sur la notion de plan-type.
Le plan-type, genèse d’un outil
20Dans son travail personnel de fin d’études (TPFE), réalisé en 1978 à l’École d’architecture Paris-La Villette sous la direction d’Antoine Grumbach, Dominique Perrault construit une démarche mixte — référentielle et générative — dont le plan-type est l’instrument. En partant du « constat de la disparition de significations publiques dans l’architecture », l’étudiant mène une enquête sur les Mairies d’arrondissement, travail de « critique opératoire » qu’il définit comme le « télescopage de l’histoire et du projet » et qu’il situe « dans le champ de l’analyse morphologique [18] ».
21Pour comprendre « comment la nouvelle pensée institutionnelle trouve son identité propre au travers de ses édifices et de leurs insertions dans la cité », un événement est posé :
« Le 29 novembre 1789, l’Assemblée nationale décidait que la ville de Paris serait gouvernée par un règlement sur les mêmes bases et d’après les mêmes principes que celui des autres municipalités du royaume. »
Et de poursuivre : « Dans le contexte de l’émergence de l’institution municipale sur le territoire, le pouvoir central mettait en place un dispositif d’équipements et de services permettant à chaque citoyen égal en droit d’approcher une nouvelle réalité de l’État. […] La Mairie et son territoire urbain établissaient le lien avec le nouveau pouvoir légitimé. [La Mairie] fut la réponse de l’État à une espérance nouvelle de la population par l’expression d’un renouveau civil. »
23La notion de Mairie comme maison commune trouverait ses sources dans les Leçons de J.-N.-L. Durand, le Cours de Julien Guadet, les Mémoires de P. Levicomte et F. Rolland. En résulte une idée directrice : c’est par le biais de la conception architecturale et de l’insertion urbaine que la signification — élément constitutif essentiel de l’édifice public — peut être atteinte. Dans cette visée, l’étudiant élabore, à partir d’une lecture de l’histoire, une notion de plan-type qui deviendra un outil d’intervention.
24Ce plan-type est doublé d’un système urbain d’accompagnement :
« La Mairie, qui entretient des rapports d’usage et de présence avec la population, ne peut s’insérer seule et autonome dans la cité. Elle est le support d’un lieu de regroupement, la place ou la rue sur lesquelles elle s’accroche et auxquelles elle attribue, par le biais de la nomination — place ou rue de la Mairie —, un sens et une fonction de représentation. En résulte, réciproquement, une mise en valeur du bâtiment par des systèmes urbains tels que le square, la place, le carrefour, la rue commerçante, le marché, le boulevard, l’alignement d’arbres. »
26Plan-type et système urbain d’accompagnement sont au cœur d’une méthode : l’altération, qui fonctionne à deux niveaux : instrument qui permet de passer du plan-type à l’objet construit, et du plan-type au système urbain contigu à la Mairie. On y retrouve la double dialectique — entre le projet et sa matérialisation, entre le type architectural et la morphologie urbaine —, clé de voûte de la pensée italienne.
27Deux types de référence doivent ainsi être élaborés. D’une part, le plan-type pour le bâtiment, édifice public et symbole républicain, que D. Perrault décline en Mairie d’îlot (bâtiment intégré à un îlot dans une relation de subordination par rapport au tissu) et Mairie-îlot (bâtiment qui forme l’îlot et s’inscrit dans le tissu comme un élément autonome « déterminant un territoire et créant un espace de représentation propre »). D’autre part, le système urbain d’accompagnement. Il apparaît clairement que la démarche proposée suit le fil des Leçons de Durand — élaborer une typologie générative des édifices publics — mais croise des outils en provenance de la Tendenza, et en particulier les notions de monument, éléments primaires et aires de résidence (Aldo Rossi) puis, la dialectique entre analyse et projet, inhérente au processus de conception (Giorgio Grassi), théories qui placent le type historique au cœur d’une démarche référentielle, ou encore, analogique [19].
28En somme, « la définition conjointe de ces deux types de référence détermine une notion de programmation élargie en matière d’insertion de bâtiments publics dans la ville » qui permet d’articuler équipement public et habitat, puisque « de la confrontation de ces deux types avec le tissu urbain » naissent les altérations — moyens privilégiés pour résoudre le caractère contradictoire de l’édifice —, le rôle de l’architecte étant de « faire apparaître l’architecture dans un discours administratif et rationnel mis en place par un pouvoir ayant les moyens de sa représentation ».
Pan 12 : « Architectures : du logement aux équipements de quartier »
29En introduisant pour la première fois la question de l’équipement, la 12e session du Pan se place sous le signe de la distinction entre architecture publique et architecture privée. Le dossier qui accompagne le règlement pose un cadre théorique et des axes de réflexion autour de la redéfinition de la notion d’équipement, de son émergence liée à une politique d’Etat dans le contexte des Lumières, de sa relation à l’espace urbain, enfin, de sa complémentarité avec le logement dont il est censé suppléer un certain nombre de fonctions. La démarche de J.-N.-L. Durand est sans cesse mise en avant, tout comme les principales questions qu’elle soulève, à savoir l’adéquation de l’expressivité de l’édifice à sa destination, ou encore le caractère de l’édifice comme relevant de la composition et de la disposition des parties [20].
30La proposition de D. Perrault pour cette 12e session — L’architecte radieux. Trois Maisons communes à Rezé-lès-Nantesfig. a fig. b— s’empare de ces problématiques qui résonnent avec celles que lui-même mobilise depuis le TPFE : « En choisissant des archétypes comme le toit et la colonne pour représenter d’une part la notion d’abri et la tradition locale et d’autre part l’institution, on a voulu utiliser délibérément un langage architectural basé sur des signes d’une grande simplicité », écrit-il dans la présentation du projet. Revenons sur sa genèse.
31Le jeune diplômé s’intéresse à la démarche de Jacques Floch, maire de Rezé, qui avait conduit, dès les années 1970, des projets intégrant la participation des habitants. En vue de la préparation du projet pour le Pan, l’architecte s’entretient avec le maire, qui lui signale la nécessité pour une ville comme Rezé, au tissu morcelé, de se constituer un réseau d’équipements à des emplacements stratégiques, en mettant à profit les mesures récentes de décentralisation municipale. D. Perrault, qui avait conçu une méthode par laquelle « plusieurs systèmes urbains d’accompagnement se combinent, s’imbriquent, se superposent, pour fabriquer un morceau de ville », organise l’insertion dans le tissu existant de trois Maisons communes, mairies-annexes associées à des équipements de quartier.
32La proposition est expérimentale : d’une part, il s’agit de pièces urbaines autonomes, liant principe constructif et principe de distribution qui, au plus près des suggestions exposées dans le dossier du Pan, explorent et développent les possibilités des Leçons : on y reconnaît les « éléments » qui, d’après Durand, assurent la solidité de l’édifice — « les parties sont obtenues à partir de la combinaison des éléments, disposés verticalement ou horizontalement suivant les figures et les axes de la géométrie du carré [21] » —, mais aussi la volonté de lui attribuer, par sa composition et sa disposition, le caractère d’équipement publicfig. c.
33D’autre part, la méthode décline aussi celle que, à l’occasion du TPFE, D. Perrault inscrivait dans « le champ de l’analyse morphologique » : « Ces éléments d’architecture qui définissent le bâtiment Maison Commune se doivent, pour respecter la cohérence de la démarche, d’être exposés aux altérations, transformations et autres manifestations qu’imposent les particularités de chaque lieu [22]. » « Analyser un site, qualifier les lieux [23] », « projeter des bornes urbaines, des condensateurs d’urbanité [24] » : l’architecte se positionne d’emblée — le lexique employé en témoigne — dans la culture de l’analyse urbaine. À ce titre, il relaie les questions portées par cette culture, et notamment celle du lien. Or, comment construire du lien avec le tissu existant — voire le restaurer — à partir d’un édifice autonome, redevable de sa logique interne et non du contexte ? Comment éviter que ce type d’édifice ne se retrouve plutôt insularisé ?
Trois Maisons Communes à Rezé-lès-Nantes. Perspectives. Pan 12, 1982. Architecte : D. Perrault. « Architectures : du logement aux équipements de quartier », Plan Construction, 1982.
Trois Maisons Communes à Rezé-lès-Nantes. Perspectives. Pan 12, 1982. Architecte : D. Perrault. « Architectures : du logement aux équipements de quartier », Plan Construction, 1982.
Trois Maisons Communes à Rezé-lès-Nantes. Insertion urbaine. Pan 12, 1982. Architecte : D. Perrault. « Architectures : du logement aux équipements de quartier », Plan Construction, 1982.
Trois Maisons Communes à Rezé-lès-Nantes. Insertion urbaine. Pan 12, 1982. Architecte : D. Perrault. « Architectures : du logement aux équipements de quartier », Plan Construction, 1982.
Trois Maisons Communes à Rezé-lès-Nantes. À gauche, principe. À droite, plans, élévations. Pan 12, 1982. Architecte : D. Perrault. « Architectures : du logement aux équipements de quartier », Plan Construction, 1982.
Trois Maisons Communes à Rezé-lès-Nantes. À gauche, principe. À droite, plans, élévations. Pan 12, 1982. Architecte : D. Perrault. « Architectures : du logement aux équipements de quartier », Plan Construction, 1982.
35Dans une session où les projets ont recours à « la dissolution, la fragmentation, l’hybridation, la greffe », dont le jury déplore « la faiblesse de la réflexion sur l’équipement proprement dit (sa nature, son fonctionnement) et sur son statut dans le quartier ou la ville », le programme servant « trop souvent de support aux jeux formels [25] », les édifices-objets de Dominique Perrault font figure d’exception. Henri Bresler remarque :
« Rares sont en effet les études qui se sont posé les problèmes de relation, de découpage, de profondeur » [ce qui] « traduit une difficulté à nouer un rapport entre deux types d’opération de nature si différente qu’il fallait de surcroît hiérarchiser et structurer ». Et il ajoute : « Une façon de simplifier la question consistait à ne traiter que de l’équipement. »
37Or, il s’agit d’une « solution envisageable à condition que soient définis les moyens de rendre compte de l’insertion de l’équipement, de ses relations avec des logements environnants. » Condition sur laquelle Bruno Reichlin base sa critique du projet de Dominique Perrault, dont le choix a consisté effectivement à ne proposer que des équipements :
« Je regrette qu’il n’ait pas choisi une quatrième implantation alignée dans une rangée de maisons… Là, on aurait vu peut-être un peu mieux les limites de cette démarche. »
39Or, les édifices-objets créés par Perrault sont à la fois la Mairie-annexe et le système d’accompagnement, qui se retrouve replié, puis intégré à l’édifice : la Maison commune « groupe sous un même toit une mairie annexe avec un ou plusieurs équipements de quartier », explique l’architecte. Ce choix programmatique est clé puisque sa traduction spatiale va permettre de « retrouver l’épaisseur du bâtiment public en lui rendant ses fonctions de repère et de condensateur d’urbanité ». Conçu à partir de plans-types qui oscillent entre deux pôles — Mairies-îlots et Mairies d’îlot —, l’édifice-objet conserve son autonomie. Il est donc difficile d’appréhender le travail d’altération du plan-type dans sa relation avec les logements environnants. « Limites de la démarche » ou bien faculté d’exposer les faiblesses d’une culture architecturale omniprésente en pointant les limites des postulats de l’architecture urbaine ?
40Dans ses considérations générales sur la session, Henri Bresler fait état d’un piège que Dominique Perrault est l’un des seuls candidats à contourner :
« C’est par [une] reconquête de la monumentalité que ces édifices tentent de se définir, au détriment d’une insertion parfois problématique. L’édifice est pris dans un réseau de contradictions : on veut à la fois le traiter comme un monument autonome et l’intégrer à la structure urbaine, place ou îlot, à l’aide d’un jeu volumétrique d’articulations, de liaisons (sans parler des inévitables passerelles !).
L’édifice finit par perdre son statut, par devenir simple monumentalité, soutenue seulement par le geste d’architecture. »
42Christian de Portzamparc va dans le même sens :
« Envie de voir des projets qui auraient travaillé sur la différence entre ce qu’est le logement et ce qu’est l’équipement, plutôt que la liaison, la continuité, la fausse intégration dont on parle depuis des années. Comment faire jouer la différence entre deux choses pour créer des tensions, un espace, une vie [26]. »
44Pour finir, Bresler salue le « seul projet à avoir amorcé une réflexion sur les signes de reconnaissance, d’identification des équipements, dans le sillage de Durand, qui a dégagé une typologie du monument, autant d’architectures, d’édicules, de réseaux facilitant le repérage des lieux », et va jusqu’à regretter que la démarche n’ait pas été poussée à l’extrême :
« Plus généralement, nous pensons qu’une réflexion d’ordre typologique sur l’édifice et sa monumentalité aurait pu être menée à partir d’un projet de “salles” sans fonction, qui serait confronté à différentes situations urbaines. »
46En somme, le projet de Dominique Perrault aura soulevé une question : est-il possible de lier autrement que par le biais d’une surenchère de dispositifs de transition ? Jean-Paul Blais, qui déplore dans la « multiplication des circulations (passerelles, galeries, coursives, entre-deux, rues intérieures, rues de devant, rues de derrière), l’effet d’un volontarisme artificiel d’animation urbaine », souligne combien « beaucoup de projets d’équipements s’enferment dans leur propre logique, ne prenant pas suffisamment en compte l’échelle urbaine dans laquelle ils s’insèrent, à la différence de celui de Rezé ». Il semblerait que cette faculté de penser avec pour mieux contourner des manières de faire installées, de chercher des outils dans des traditions extérieures aux sources consacrées par le débat, d’élargir le champ du questionnement par le biais d’un penser contre qui met en scène les contradictions sans se soucier de les dépasser, ait suscité l’intérêt du jury.
Les Cap-Horniers : retombées dans le réel d’un faisceau de lignes transversales
« Pourquoi le lien entre le bicentenaire et les villes de banlieue ? En 1789, le débat avait lieu au cœur des villes. En 1989, il a lieu dans les banlieues ; c’est dans les banlieues que se concentrent les problèmes, c’est des banlieues qu’émergent les idées [27]. »
48Dans le cadre de l’Association des maires « Ville & Banlieue » de France, levier politique de Banlieues 89, Jacques Floch lance des opérations d’envergure :
« Son grand projet urbain est de fédérer la commune, de la structurer, tout en conservant en priorité les identités de quartier. Le moyen lui paraît être un maillage d’équipements communaux, d’activités et d’aménagement de l’existant. Il mène une politique foncière énergique : municipalisation des sols, création d’une ZIF et ZAD sur l’ensemble du territoire : Banlieues 89 doit reconquérir les bords de Loire [28]. »
50Sollicité dans ce contexte, Dominique Perrault propose un projet de rénovation urbaine qui, resté sur le papier, orientera cependant nombre d’interventions à venirfig. d fig. e [29].
51En effet, seule l’opération Les Cap-Horniers sera réalisée [30] fig. f. Il s’agit d’un ensemble de 40 logements, situé entre l’ancien village de Trentemoult et la zone commerciale qui longe les voies de circulation rapide. Exercice difficile, occasion de mettre à contribution les principes avancés dans le cadre du Pan 12, mais aussi une connaissance acquise du terrain : « On préférera le propos de l’insertion à celui “d’intégration”, car les problèmes ne se posent pas en termes de ressemblance, mais comme des faits d’urbanité [31]. » Des échanges avec le maire résulte le choix d’un mail planté faisant tampon entre la zone résidentielle et la zone commercialefig. g. Axe de composition et procédure de tissage, ce mail aboutit à un espace public triangulaire — « séquence particulière dans le cours de la promenade » — que l’architecte délimite par deux barrettes de logementsfig. h. La concertation maître d’œuvre/maître d’ouvrage/équipe municipale traduit les enjeux de la culture urbaine des années 1980 — réparer un morceau de ville dans le respect de l’identité des lieux, restituer sa charge symbolique. Or, s’il se place sans équivoque dans la culture de son temps, le projet de D. Perrault est sans cesse travaillé par des éléments qui lui sont extérieurs.
52« Du toit-terrasse de sa Cité radieuse, Le Corbusier pouvait dénombrer la trentaine de lieux-dits qui composent la commune », avait écrit l’architecte dans la présentation du projet primé au Pan 12 [32]. La question de l’identité des lieux était déjà omniprésente : « Bâtir un hôtel de ville pour créer une nouvelle centralité, et trouver à l’aide d’un équipement une unité au sein des différents quartiers, ne sont que deux états successifs d’un même fait : la recherche d’une identité. » On retrouvera aux Cap-Horniers cette préoccupation première.
53Mais les lieux portent une identité à double versant, et l’architecte ne cesse de jongler entre deux métaphores : l’empreinte maritime dans la mémoire collective de Trentemoult et l’architecture de Le Corbusier, incontournable pour les Rezéens. Est-ce la présence imposante de la Cité radieuse à proximité, ou bien sa place dans le réservoir personnel de l’architecte qui a guidé ce choix [33] ? Dans un cas comme dans l’autre, il convient de se demander si certains dispositifs de l’architecture de Le Corbusier ne constituent pas bien plus qu’une métaphore, à savoir une référence à l’usage du projet. En effet, l’analyse révèle une parenté avec des dispositifs de l’architecture corbuséenne — plusieurs périodes confondues — qui va au-delà de l’image. Empreinte maritime et architecture corbuséenne se croisent dans l’écriture de l’édifice, mais aussi dans sa conception spatiale.
Rezé, la reconquête des bords de Loire. Une promenade : le quai M. Boissard. Façade urbaine, plan. Trentemoult, 1984. Architecte : D. Perrault. Archives municipales, Ville de Rezé.
Rezé, la reconquête des bords de Loire. Une promenade : le quai M. Boissard. Façade urbaine, plan. Trentemoult, 1984. Architecte : D. Perrault. Archives municipales, Ville de Rezé.
Rezé, la reconquête des bords de Loire. Perspective. Trentemoult, 1984. Architecte : D. Perrault. Archives municipales, Ville de Rezé.
Rezé, la reconquête des bords de Loire. Perspective. Trentemoult, 1984. Architecte : D. Perrault. Archives municipales, Ville de Rezé.
Rezé, Les Cap-Horniers. Vue de la place du Commandant-Aubin. Architecte : D. Perrault (photo Sabri Bendimérad).
Rezé, Les Cap-Horniers. Vue de la place du Commandant-Aubin. Architecte : D. Perrault (photo Sabri Bendimérad).
Rezé, zone commerciale et port deTrentemoult. Au centre, Les Cap-Horniers. En diagonale, mail planté (vue satellite Google).
Rezé, zone commerciale et port deTrentemoult. Au centre, Les Cap-Horniers. En diagonale, mail planté (vue satellite Google).
Rezé, Les Cap-Horniers. Plan masse. Architecte : D. Perrault. Archives municipales, Ville de Rezé.
Rezé, Les Cap-Horniers. Plan masse. Architecte : D. Perrault. Archives municipales, Ville de Rezé.
Rezé, Les Cap-Horniers. Façade sur espace public. Architecte : D. Perrault. Archives municipales, Ville de Rezé.
Rezé, Les Cap-Horniers. Façade sur espace public. Architecte : D. Perrault. Archives municipales, Ville de Rezé.
Rezé, Les Cap-Horniers. Façade sur jardins. Architecte : D. Perrault. Archives municipales, Ville de Rezé.
Rezé, Les Cap-Horniers. Façade sur jardins. Architecte : D. Perrault. Archives municipales, Ville de Rezé.
Rezé, Les Cap-Horniers. Façade sur rue Rio. Architecte : D. Perrault. Archives municipales, Ville de Rezé.
Rezé, Les Cap-Horniers. Façade sur rue Rio. Architecte : D. Perrault. Archives municipales, Ville de Rezé.
Rezé, Les Cap-Horniers. Façade sur placette. Architecte : D. Perrault. Archives municipales, Ville de Rezé.
Rezé, Les Cap-Horniers. Façade sur placette. Architecte : D. Perrault. Archives municipales, Ville de Rezé.
Rezé, Les Cap-Horniers. Coupe transversale. Architecte : D. Perrault. Archives municipales, Ville de Rezé.
Rezé, Les Cap-Horniers. Coupe transversale. Architecte : D. Perrault. Archives municipales, Ville de Rezé.
Rezé, Les Cap-Horniers. Duplex 4- pièces/jardin, plan-type. Architecte : D. Perrault. Archives municipales, Ville de Rezé.
Rezé, Les Cap-Horniers. Duplex 4- pièces/jardin, plan-type. Architecte : D. Perrault. Archives municipales, Ville de Rezé.
Rezé, Les Cap-Horniers. Appartement 2-pièces/terrasse, plan-type. Architecte : D. Perrault. Archives municipales, Ville de Rezé.
Rezé, Les Cap-Horniers. Appartement 2-pièces/terrasse, plan-type. Architecte : D. Perrault. Archives municipales, Ville de Rezé.
57Il n’est pas habituel, dans le « champ de l’analyse morphologique » dont D. Perrault se réclame [34], de prendre pour référence — historique ? — des exemples de l’architecture moderne. Ce choix circonscrit un positionnement singulier : non seulement l’architecte s’insère de manière atypique dans le débat contemporain, mais il déplace le concept de modernité. Or, il semblerait que Les Cap-Horniers soient conçus comme une variation de l’Immeuble-villas [35]. On y reconnaît, en effet, un certain nombre de dispositifs : l’association par contiguïté de cellules identiques desservies par l’intermédiaire d’une coursive et affichant certains signes distinctifs du logement individuel, dont un espace extérieur privatiffig. i fig. j fig. k fig. l fig. m. L’architecte s’en serait-il inspiré, avant de mettre à contribution ses propres recherches sur le plan-type et sur le procédé d’altération ?
58Conçus au début des années 1920, les plans de l’Immeuble-villas fig. n et de la maison Citrohanfig. o relèvent d’un même principe, déplié dans le premier cas pour obtenir deux travées, replié dans le second pour rejoindre la distribution optimale de la cellule minimum. Bien que les pièces soient permutées (cuisine à l’entrée, salon à l’arrière) et certains dispositifs déplacés (circulations annexées aux espaces de vie et alignées avec l’entrée, escalier décalé), la topologie des plans-types dessinés par D. Perrault ne va pas sans rappeler ce principefig. p fig. q. S’agissant de surfaces restreintes, elle rejoint celle de la maison Citrohan, à propos de laquelle Le Corbusier écrivait :
« Maison en série “Citrohan” (pour ne pas dire Citroën). Autrement dit, une maison comme une auto, conçue et agencée comme un omnibus ou une cabine de navire [36]. »
60Je rappellerai que la maison Citrohan est issue d’une démarche qui croise le prototype industriel et le type historique. D’après Georges Baines, outre la logique de l’automobile, trois références ont guidé sa conception, à savoir la cellule des moines dans la chartreuse d’Ema, qui toucherait à l’esprit général de la cellule d’habitation ; la maison flamande traditionnelle, qui en oriente le principe de construction ; finalement, l’atelier d’artiste parisien, qui en fournit la spatialité [37]. Certes, Le Corbusier pense le prototype à partir des logiques de l’industrie. Mais ce prototype a une assise dans le passé.
Le Corbusier, Immeuble-villas, plan étages, 1922. FLC 19082.
Le Corbusier, Immeuble-villas, plan étages, 1922. FLC 19082.
Le Corbusier, Maison Citrohan. Plan, 1922. FLC 20711.
Le Corbusier, Maison Citrohan. Plan, 1922. FLC 20711.
61Le procédé à l’origine de la maison Citrohan rend possible la mise en compatibilité de plusieurs familles de référents et concerne plusieurs niveaux de conception : plan, espace, organisation, signification. Transposé, il peut — aussi — accueillir l’imaginaire naval qui imprègne les lieux et qui suppose un vocabulaire, mais aussi une spatialité. De manière analogue, la logique d’association des logements — rangée ou série — rappelle la mitoyenneté des anciennes maisons de Trentemoult [38], mais renvoie aussi bien à l’architecture savante de l’Immeuble-villas. Un croisement du même ordre apparaît dans les dispositifs de circulation et de desserte, ces espaces intermédiaires prisés dans les années 1980 pour leur capacité à réguler la transition public-privé : la coursive rappelle le corridor de l’Immeuble-villas comme le principe de circulation dans les navires ; les terrasses depuis lesquelles on aperçoit la Loire évoquent à la fois les toits-terrasses des villas corbuséennes des années 1920 et les ponts des bâtiments navalsfig. r fig. s
62Et en effet, si les architectes apprécient dans l’opération un travail sur les dispositifs et le vocabulaire corbuséens, les habitants que j’ai pu rencontrer disent voir, dans les coursives, les ponts des navires, dans les murs de refend, les proues ou les mâts, dans les murs courbes des terrasses, les voiles, dans l’association des logements, les cabines, dans le bardage des cuisines, les coques et, dans la place intérieure, l’étrave. Leur habitation étant implantée en bordure d’un paysage urbain envahi de panneaux publicitaires, la collection de symboles qui les rattache à l’identité de Trentemoult leur est chère, d’autant qu’elle permet — aussi — une distinction supplémentaire : nombre d’entre eux montrent du doigt la Cité radieuse avant d’ajouter : « Chez nous, ce n’est pas comme là-bas [sic]. » Rempart contre la barre tant décriée de l’urbanisme de l’après-guerre (à laquelle la Cité radieuse se retrouve associée), l’individuel dans le collectif fait rêver d’un ailleurs et fonde l’illusion d’une appartenance élective.
63En somme, double lecture pour des éléments relevant d’un double registre : s’ils sont conçus pour renvoyer à des formes extérieures à l’architecture — à savoir l’univers naval —, opération sémantique habituellement attribuée aux architectes des Lumières, ils sont — comme chez ces derniers — soumis à un processus de géométrisation qui vaut abstraction. Or, par ce processus, ils réintègrent des formes intérieures à l’architecture, en épousant des exemples reconnaissables du réservoir du métier — en l’occurrence, du vocabulaire rationaliste français des années 1920. Ce mouvement leur accorde le statut de référent à l’usage du projet, et par là, souscrit à la démarche enseignée par la Tendenza, opérant un décalage avec le travail de Boullée ou encore de Ledoux, dont les éléments renvoyaient, non à des formes de l’univers architectural, mais à des concepts abstraits relayant des visées morales [39]. Jacques Floch parlera des Cap-Horniers comme d’une « occasion de dégager la vue vers “le Corbu” [40] ». Métaphore pour ce qui constitue, plus qu’une « vue », un travail de réélaboration critique.
Rezé, Les Cap-Horniers. Vue de la coursive (rez-de-chaussée). Architecte : D. Perrault.
Rezé, Les Cap-Horniers. Vue de la coursive (rez-de-chaussée). Architecte : D. Perrault.
Rezé, Les Cap-Horniers. Vue de la coursive (étage) et des terrasses. Architecte : D. Perrault.
Rezé, Les Cap-Horniers. Vue de la coursive (étage) et des terrasses. Architecte : D. Perrault.
Un projet à contre-courant
64On l’a dit, jongler entre modes opératoires divers instruit une manière particulière de poser un problème architectural. J’ajouterai que cela n’aboutit pas à la composition d’objets hybrides. L’édifice-objet réactualise les contradictions : « Le télescopage des signes et le dosage précis de son expression plaident pour l’autonomie du fait architectural et pour l’évidente nécessité de la vérité du lieu [41]. » Si Les Caps-Horniers relèvent bien d’une pièce urbaine destinée à réparer un tissu morcelé par un travail sur la relation entre espaces publics et privatifs, les filiations électives qui sous-tendent le projet conduisent, par un geste architectural fort, à des objets autonomes qui problématisent, de manière singulière, la question de l’insertion dans l’existant. Ce n’est pas en déclinant les formes matérielles du lien, mais par une maîtrise de l’échelle que l’objet est censé révéler le lieu et induire dans son environnement des effets réparateurs : « Il fallait trouver une échelle entre les petites maisons de pêcheurs et les grosses implantations des usines, évoquer un parcellaire et créer une masse suffisante pour exister dans le paysage urbain [42]. » Si la démarche référentielle tient compte de l’imaginaire maritime des lieux, les références choisies rejoignent le réservoir moderne — ce qui permet d’esquiver de manière habile certaines questions délicates soulevées par le retour de l’histoire, comme celle du régionalisme : « La gesticulation architecturale et le pseudo-régionalisme altèrent les rapports de voisinage et isolent le bâtiment [43]. » Ce faisant, l’architecte pose la question de la modernité comme tradition, au centre de procédés qui s’inspirent de l’analyse typo-morphologique pour la décaler : l’altération comme méthode consiste à travailler à partir d’un plan-type et non à partir d’un type historique dégagé de relevés systématiques de la ville existante [44].
65Finalement, indifférent au principe de diversité — mot d’ordre par excellence dans les années 1980 —, le projet met à profit les possibilités de la répétition — ou de la série. Ainsi, à la question de savoir s’il ne craint pas la répétitivité, l’architecte réagit sans équivoque :
« On pourrait répondre à cette question en termes d’économie, de rationalisation de la construction. Certes, tous les logements sont tramés, et j’ai recherché la maîtrise du coût. Mais cette réponse-là ressemblerait un peu trop à une excuse et elle est insuffisante […]
J’estime que cette répétition est tolérable, plus même, je pense qu’elle convient bien parce qu’elle est appuyée sur une recherche de qualités spatiales, tactiles et fonctionnelles : les logements ont une double orientation, un volume intérieur intéressant, des traitements architecturaux et des matériaux riches […]
J’ai réfléchi à un mode d’habiter fondé sur l’idée du plaisir d’habiter, dans un endroit que l’on identifie facilement, qui possède une apparence et une épaisseur […] je ne trouve pas que ces préoccupations soient incompatibles avec la répétitivité. D’ailleurs tout dépend de ce qui est répété, du rythme, de la qualité… Quand il s’agit d’architecture, il vaut mieux se méfier des idées reçues [45]. »
L’architecte-citoyen
67Existe-t-il un fil conducteur entre le « petit projet » des Cap-Horniers et le « grand projet » que constituera, quelques années plus tard, la Bibliothèque nationale de France ? La proposition de rénovation urbaine pour Rezé (1984) traitait le croisement difficile de l’axe historique du village et de la route de circulation rapide par l’intermédiaire de quatre prismes disposés de manière à faire, de ce carrefour, un espace urbain caractériséfig. t. On y reconnaît une configuration qui sera déclinée plus tard dans la Grande Bibliothèque, et que l’architecte décrit ainsi :
« Espace libre et ouvert à l’échelle de la capitale, horizontalité, la BNF déploie toute son ampleur au travers de ses quatre balises, tenseurs de la plaque, verticalité, définissant un volume virtuel qui cristallise toute sa magie, sa présence et sa poésie [46]. »
69Dans ce « volume virtuel » qui porte la signification de l’ensemble, qui contient — et déploie — un espace pour l’exercice de la citoyenneté, on retrouve des germes semés à Rezé, de l’édifice-objet des Maisons communes, à la transformation, par un travail sur l’échelle, d’un carrefour impraticable en événement urbain.
70Jacques Floch a parlé d’architecte-citoyen pour célébrer cette nouvelle articulation entre élus et architectes qui, dans le sillage des utopies de 1789, se soucient autant de bien-être social que de qualité urbaine [47]. Dans le même esprit, L’architecte radieux visait « l’expression d’une nouvelle citoyenneté [48]. » Les enseignements des architectes de la période révolutionnaire apparaissent comme le fil rouge d’un parcours qui s’étale une décennie durant : effort de réflexion sur une parcelle de l’histoire de l’architecture par la mise en œuvre de son arsenal théorique. De la recherche de fin d’études au concours d’idées du Pan, puis aux Cap-Horniers — voire à la Bibliothèque nationale de France —, l’itinéraire de Dominique Perrault opère un détour par les théories italiennes, pour renouer avec une partie de la culture architecturale française dont il propose une réécriture critique.
Rezé, Proposition urbaine, 1984. Perspective. Architecte : D. Perrault.
Rezé, Proposition urbaine, 1984. Perspective. Architecte : D. Perrault.
Bibliographie
Bibliographie
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- Lucan Jacques (dir.), Le Corbusier, une encyclopédie, Paris, Éditions du Centre Georges-Pompidou-CCI, 1987.
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- Molok Nicolas, « “L’architecture parlante”, ou Ledoux vu par les romantiques », Romantisme, n° 92, 1996, p. 43-53.. Disponible en ligne : www.persee.fr/doc/roman_0048-8593_1996_num_26_92_4264
- Nivet Soline, Le Corbusier et l’Immeuble-villas. Stratégies, dispositifs, figures, Wavre, PhpOffice\PhpWord\Element\Link, 2011.
- PAN ouest, Architectures contemporaines et cultures régionales : vers une conciliation, Paris, Plan Construction, 1981.
- PAN, 20 ans de réalisations, Paris, ministère de l’Équipement/Techniques & Architecture, 1992.
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- Perrault Dominique, « Les 20 Mairies de Paris. Insertion dans le tissu urbain. Adaptation d’un plan-type », TPFE, Ensa Paris-La Villette, 1978.
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- Perrault Dominique, « Petites barres douces », entretien avec Marie-Christine Loriers, Échos de la recherche et de l’expérimentation, Plan Construction et Habitat, n° 2, avril 1986, p. 7-8.
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- Programme architecture nouvelle, règlement de la 12e session du PAN, 1980-1981 : « Architectures : du logement aux équipements de quartier », Paris, Plan Construction, 1982.
- « 15 ans de PAN. Analyse urbaine. 1971-1986 », Urbanisme, n° 214, 1986.
- Rossi Aldo, L’Architecture de la ville, [1966], Paris, Éditions de l’Équerre, 1981.
- Rossi Aldo, « Introduction à Boullée », Institut universitaire d’architecture de Venise, Marsilio, Padoue, 1967 (trad. Alberta Bianchin et Philippe Duboy).
Notes
-
[1]
S. Bianchi, « Révolution française et utopie », Annales historiques de la Révolution française, vol. 2, n° 388, avril-juin 2017, p. 3.
-
[2]
Michael Löwy, « Miguel Abensour, philosophe subversif », Raisons politiques, vol. 2, n° 54, 2014, p. 153-159. Disponible en ligne : www.cairn.info/revue-raisons-politiques-2014-2-page-153.htm
-
[3]
Ibid.
-
[4]
Ibid.
-
[5]
De Blanqui à Benjamin, on retrouve l’idée de catastrophe, non pas comme une menace téléologique mais pouvant faire irruption à chaque instant : « Le concept dialectique de temps historique de Benjamin s’oppose aussi bien aux idéologies du progrès qu’à l’idée de l’éternel retour, mais il est persuadé que l’utopie doit se mesurer à l’hypothèse de la catastrophe en permanence suggérée par Blanqui. » Voir M. Löwy, op. cit. note 2, p. 155.
-
[6]
M. Löwy, « Messianisme, utopie et socialisme moderne », Raison présente, vol. 1, n° 189, 2014, p. 83.
-
[7]
M. Löwy, « Mannheim et le marxisme : idéologie et utopie », Actuel Marx, vol. 1, n° 43, 2008, p. 45.
-
[8]
Telle était la mise en garde formulée par Walter Benjamin en 1929. Voir « Le surréalisme », in Œuvres II, Paris, Gallimard, 2000, p. 132-133.
-
[9]
Aldo Rossi, « Introduction à Boullée », Institut universitaire d’architecture de Venise, Marsilio, Padoue 1967.
-
[10]
La pensée architecturale italienne interroge le concept d’utopie à la lumière d’une révision critique de ses occurrences modernes. La question de la charge utopique du projet est mise en avant : comme pour la plupart des variables intervenant dans le processus de conception, la nature du concept d’utopie y est déplacée : « Les utopies sont chez Tafuri plutôt des paradigmes qui représentent des fonctions culturelles spécifiques dans un système historiquement donné ». Voir Marco Assennato, « Une Marseillaise sans Bastille à prendre : Manfredo Tafuri enquêté par la philosophie », thèse de doctorat en architecture, université Paris-Est, soutenue le 5 mai 2017, p. 298.
-
[11]
J.-L. Cohen, La Coupure entre architectes et intellectuels, ou les enseignements de l’italophilie, [1984], Bruxelles, Mardaga, 2015, p. 40.
-
[12]
Ibid., p. 16.
-
[13]
Italophilie qui intervient sur ce contexte de double désertion technique/culturelle : « Le projet généreux d’une grande réconciliation des savoirs architecturaux et des savoirs techniques, d’un rétablissement de la communication entre l’architecture et les sciences de l’ingénieur […] passe sans doute aussi par la reconstruction des rapports de l’architecture avec la culture. » Voir J.-L. Cohen, op. cit. note 11, p. 43.
-
[14]
Gisèle Cloarec, Christophe Perrocheau (dir.), Rendre possible. Du Plan construction au Puca : 40 ans de réalisations expérimentales, Éditions Puca, coll. « Recherche », n° 208, juillet 2012.
-
[15]
C. Simonnet, « Technique sans trace », in PAN, 20 ans de réalisations, Paris, ministère de l’Équipement/Techniques & Architecture, 1992, p. 21.
-
[16]
Les problématiques qui émergent autour de l’habitat réactivent la synergie entre technique de mise en œuvre et technique de projet, reléguée des décennies durant.
-
[17]
C’est le cas de projets qui explorent la possibilité de concilier le logement évolutif avec un travail sur la ville historique (« Structure évolutive industrialisée démontable », D. Izoard et al., Pan 5 ; « Un patrimoine domestique », ARBA, Amiens, Pan 8), ou bien avec les usages (« Participatif », L. Kroll, Marne-la-Vallée, Pan 8), ou encore qui engagent un savoir sur les trames pour insérer le projet dans la morphologie urbaine (« La Structure sous la ville », D. Bastid, P. Bazaud, M. Gravayat, Évry, Fécamp, Pan 5 ; « Vocabulaire Urbain », Atelier 13, Épinal, Pan 5) ou bien pour en créer (« Une histoire contemporaine » P. Dubois, Reims, Pan 10). On pourrait, par ailleurs, ajouter que l’impératif d’innovation technique a laissé des traces (aussi) dans les domaines de la pédagogie et de la recherche. Voir, à ce sujet, l’analyse de J.-L. Cohen, op. cit. note 11, p. 42.
-
[18]
D. Perrault, « Les 20 Mairies de Paris. Insertion dans le tissu urbain. Adaptation d’un plan-type », TPFE, Ensa Paris-La Villette, 1978.
-
[19]
A. Rossi, L’Architecture de la ville, [1966], Paris, Éditions de l’Équerre, 1981 ; G. Grassi, L’Architecture comme métier et autres écrits, Bruxelles/Liège, Mardaga, 1983.
-
[20]
Programme architecture nouvelle, règlement de la 12 e session du PAN, 1980-1981 : « Architectures : du logement aux équipements de quartier », Paris, Plan Construction, 1982, p. 20.
-
[21]
Ibid.
-
[22]
Programme architecture nouvelle, op. cit. note 20, p. 54.
-
[23]
D. Perrault, « Petites barres douces », entretien avec Marie-Christine Loriers, Échos de la recherche et de l’expérimentation, Plan Construction et Habitat, n° 2, avril 1986, p. 7-8.
-
[24]
D. Perrault, Dossier PAN XII, tapuscrit conservé aux Archives municipales de la ville de Rezé, 1982, p. 9.
-
[25]
Programme architecture nouvelle, op. cit. note 20, p. 45 et suivantes pour les propos du jury.
-
[26]
« L’utilisation de deux points de vue se faisant concurrence, s’altérant, se complétant, crée pour la fabrique du projet un nombre de réponses infinies », avait écrit D. Perrault dans le mémoire qui accompagnait le projet. Voir Dossier PAN XII, op. cit. note 24, p. 11.
-
[27]
Propos tenus par Jacques Floch in L’Architecte-citoyen, Dominique Perrault-Jacques Floch, une rencontre, un parcours – Ville de Rezé (1982-1986), film, programme de recherche « 1989, le hors-champ de l’architecture officielle », laboratoire ACS, Ensa Paris-Malaquais, octobre 2019.
-
[28]
« 15 ans de PAN. Analyse urbaine. 1971-1986 », Urbanisme, n° 214, 1986, p. 124-125.
-
[29]
D’après J. Floch, certaines réalisations de la ville dans les décennies suivantes (Maison de quartier de Trentemoult, promenade des bords de Loire, pont des Trois-Continents, tracés routiers, Nouvelles Cliniques Nantaises) étaient préfigurées dans la proposition de D. Perrault.
-
[30]
Opération livrée en 1986 dans le cadre d’une procédure étatique d’innovation (Réalisation Exemplaire du Plan Construction). Maître d’ouvrage : La Nantaise d’Habitations.
-
[31]
D. Perrault, Dossier PAN XII, op. cit. note 24, p 11.
-
[32]
Programme architecture nouvelle, op. cit. note 20, p. 53.
-
[33]
D. Perrault fait partie de la génération ayant bénéficié de l’effervescence qui a suivi la création des UP d’architecture, sur fond de querelle opposant les tendances postmoderne et néomoderne. Au sujet de cette querelle, voir Jacques Lucan, Architecture en France, 1940-2000, Histoire et Théories, Paris, Le Moniteur, 2001, p. 275, cité par Juliette Pommier, « 6 juillet 1990, Bernard Huet démissionne », in Anne Debarre, Guillemette Morel Journel (dir.), 1989, hors-champ de l’architecture officielle : des petits mondes au Grand. Transmissions, Ensa Paris-Malaquais, coll. « 1989 », 2020, p. 28.
-
[34]
Voir introduction in « Les 20 Mairies… », op. cit. note 18.
-
[35]
Le Corbusier, Pierre Jeanneret, Œuvre Complète, vol. 1 : 1910-1929, Zurich, Éditions d’architecture Erlenbach, 1946.
-
[36]
Le Corbusier, « Maisons en série », in Vers une architecture, [1923], Paris, Flammarion, 1995, p. 200. Soline Nivet a montré que la maison Citrohan croise la cellule de la chartreuse pour composer les appartements de l’Immeuble-villas dans son livre Le Corbusier et l’Immeuble-villas. Stratégies, dispositifs, figures, Wavre, Mardaga, PhpOffice\PhpWord\Element\Link, 2011, p. 37.
-
[37]
G. Baines, « Du “système Dom-Ino” au “type Citrohan” », in Patrick Burniat (dir.) Le Corbusier et la Belgique, rencontres de la Fondation Le Corbusier, Bruxelles, CFC Èditions/Fondation Le Corbusier, 1997, p. 47-61.
-
[38]
Voir J. Floch in L’Architecte-citoyen…, op. cit. note 27.
-
[39]
Contrairement à une doxa très répandue, les éléments extérieurs au vocabulaire traditionnel de l’architecture — et notamment les volumes platoniciens — ne renvoient pas, dans le travail de Boullée et de Ledoux, à la fonction de l’édifice mais à des abstractions : « Les bâtiments de destination différente ont tous une forme sphérique qui, en symbolisant une idée abstraite (la perfection), ne s’associe à aucune fonction concrète », explique Nicolas Molok. Rappelons que la qualification d’« architecture parlante » revient à Léon Vaudoyer et correspond à une vision romantique posée a posteriori sur l’architecture de la période révolutionnaire. Voir N. Molok, « “L’architecture parlante”, ou Ledoux vu par les romantiques », Romantisme, n° 92, 1996, p. 48.
-
[40]
« 15 ans de PAN. Analyse urbaine. 1971-1986 », op. cit. note 28, p. 67.
-
[41]
Ibid., p 11.
-
[42]
D. Perrault, « Petites barres douces », op. cit. note 23.
-
[43]
D. Perrault, Dossier PAN XII, op. cit. note 24, p. 8. La question du régionalisme est très vive dans l’espace-temps concerné. Le Pan consacrera une session au régionalisme dans la Région Ouest : Architectures contemporaines et cultures régionales : vers une conciliation.
-
[44]
Comme ceux proposés aux étudiants italiens dans les cours de Saverio Muratori, Carlo Aymonino, ou encore Giorgio Grassi. Aucun relevé typologique des maisons de Trentemoult n’intervient dans la démarche.
-
[45]
D. Perrault, « Petites barres douces », op. cit. note 23.
-
[46]
Perrault architecture, consulté le 24 septembre 2018, www.perraultarchitecture.com
-
[47]
« 15 ans de PAN. Analyse urbaine. 1971-1986 », op. cit. note 28, p. 67.
-
[48]
Programme architecture nouvelle, op. cit., note 20, p. 55.