Lorsque, devenu grand-père, j’ai pu admirer le spectacle d’un bébé tenu dans les bras de sa mère ou de son père, j’ai réalisé que cette fonction du portage avait une importance considérable en ce qu’elle inscrit la relation entre ces deux êtres appartenant à deux générations différentes dans une humanité incontournable. En tant que père, pris dans le tourbillon des urgences vécues/ressenties, cette conscience de l’humanité du portage ne m’avait pas sauté aux yeux avec autant de force.
Bébé pleure dans son couffin, le parent lui adresse de loin quelques mots rassurants, il s’approche, se penche, le regarde et commence à dire en mamanais ou en papanais des petits mots doux et réconfortants. Le bébé remue bras et jambes, gigote, geint un peu, et le parent le prend dans ses bras porteurs : la polyphonie de leurs échanges sensoriels et langagiers trouve une harmonie dans la synchronie du portage. La distance optimale entre les yeux du bébé et ceux de son parent engage ces premiers moments d’intersubjectivité dans une interaction féconde.
Lorsque tout se passe « suffisamment bien », le portage organise cette harmonie développementale entre les deux sujets de ces interactions. Le bébé va progressivement intérioriser l’art et la manière dont il est porté, et cela lui servira d’épure pour son « travail » d’enfant en développement puis de parent à venir. Le portage est, de ce point de vue, un organisateur psychique de la qualité des interactions bébé-parents. Mais que l’on songe à ces bébés qui tentent de se développer dans une ambiance familiale tendue, souffrante, carencée, négligente, maltraitante, et le portage devient alors le moment de concentration des difficultés rencontrées dans l’exercice de la fonction parentale…
Date de mise en ligne : 30/05/2018.