La question de l'imitation délimite, aujourd'hui encore, deux grands ensembles théoriques, ou deux façons d'aborder le langage de l'enfant. Les théories constructionnistes de l'acquisition du langage (voir par ex. Goldberg, 2006 ; ou Tomasello, 2003) ont en effet proposé une redéfinition de l'imitation qui, même si elle va bien au-delà de la compréhension behaviouriste, presque mécaniste, du mimétisme, les rend tout à fait distinctes d'une conception innéiste. L'attention particulière que prêtent les constructionnistes à l'activité de l'enfant, celle-là même qui leur permettra de découvrir la complexité des variations imitatives et de définir un « apprentissage imitatif » (Tomasello, Kruger et Radner, 1993), n'est pas anodine car elle définit un point de départ, en même temps qu'un parti pris. Plutôt que de partir d'une conception structurale du langage et de rechercher, par-delà la diversité des langues, des principes et structures universelles susceptibles de constituer un socle toujours déjà présent en chacun de nous, les constructionnistes commencent par considérer l'usage, dont ils dégagent des régularités (unités associant forme et sens, appelées constructions) qui pourraient guider l'enfant. À la suite des fonctionnalistes, ils commencent par examiner ce que fait chaque enfant : ils analysent et comprennent les premières conduites signifiantes comme articulation d'une forme (parfois encore approximative, parfois novatrice) et d'une fonction discursive ou signification…