La question qui donne son titre à ma communication risque de passer pour paradoxale, voire peut-être provocatrice, en tout cas mal venue dans le colloque qui nous réunit. Il a pour titre « Fabriques de la langue ». Certes, cette formule ne se confond pas, par le sens, avec « Origine du langage ». Mais les deux expressions sont en rapport étroit : la notion de « Fabriques de la langue » semble bien avoir quelque relation avec le problème de l'« Origine du langage ». Et ce n'est évidemment pas un hasard si plusieurs auteurs de communications ont prévu de poser le problème de l'origine du langage, sans, à ce qu'il semble, éprouver la moindre angoisse à l'idée de l'aborder.
Mais il y a plus grave encore, sans doute. Non contente d'être paradoxale et provocatrice, ma question risque en outre de passer pour complètement inutile, peut-être même stupide. Pour une raison qui apparaît immédiatement : depuis très longtemps on lui a donné une réponse. Une réponse affirmative, bien sûr. L'origine du langage est même l'un des premiers problèmes touchant le langage à avoir été traité. Je rappelle, rapidement, que la Bible, non contente de le traiter, le résout. Dans le texte biblique, la création du langage se trouve partagée entre Dieu et sa création, l'homme. C'est naturellement Dieu qui a le premier mot : « Dieu dit : “Que la lumière soit !” Et la lumière fut. Dieu vit que la lumière était bonne ; et Dieu sépara la lumière d'avec les ténèbres. Dieu appela la lumière jour, et il appela les ténèbres nuit…