Au cours de ces dernières décennies, les pratiques de sexualité non pénétrative se sont diffusées dans toutes les générations, comme le montrent les analyses présentées dans le chapitre 13. Le cunnilingus comme la fellation appartiennent aujourd'hui au répertoire sexuel d'une partie importante de la population, notamment des plus jeunes. Cette diffusion s'inscrit dans un mouvement général de dissociation de la sexualité et de la procréation, même si ces deux composantes restent fortement associées dans les représentations (voir chapitre 25).
Une telle évolution apparaît comme l'une des formes notables des changements à l'œuvre dans le domaine de la sexualité. Pourtant, la place que la sexualité non pénétrative occupe dans le répertoire sexuel des femmes et des hommes reste peu explorée. Dans un contexte où le modèle de la sexualité hétérosexuelle monogame et pénétrative constitue un système normatif structurant, la question de l'autonomie d'une sexualité non pénétrative reste posée. On peut aussi s'interroger sur la spécificité des attentes féminines et masculines dans ce domaine et sur le statut que les femmes et les hommes accordent à ce type de sexualité. Si des travaux sur la sexualité sans pénétration ont été conduits auprès de personnes ayant des pratiques homosexuelles [Bochow et al., 2003 ; Hubert et al., 1998 ; Velter, 2007 ; Le Talec, 2007 ; Léobon, Frigault, 2007], force est de constater qu'elle a été peu étudiée s'agissant des pratiques hétérosexuelles, à l'exception des analyses de l'enquête française de 1992 qui avaient montré une grande réciprocité entre les sexes dans les pratiques bucco-génitales [Messia…