Lorsqu’en 1772, la communauté de Vilna organisa la mise
au ban des ‘hassidim dans un document où le principal
signataire était « l’autorité suprême et notre Maître à tous, le
vénéré Rabbi Eliyahou de Vilna », celui-ci était au faîte de
sa suprématie, puisqu’aucune décision n’était prise sans son
aval. C’est dire l’exceptionnelle envergure du Gaon, probablement le seul dont on peut affirmer qu’il n’a délaissé
aucun domaine du savoir juif.
À l’image des grands-maîtres ‘hassidiques, le Gaon réalisa
parfaitement le climat délétère qui régnait au sein des communautés, comme en témoigne l’imprimatur qu’il accorda à
Rabbi Samuel de Kalvary. Or celui-ci, dans son Darkhei
Noam, dénonce systématiquement les graves carences du
corps rabbinique. Et le fait est que le Gaon n’occupa jamais
une charge rabbinique officielle, ne fut jamais membre
d’une communauté, et pria dans un local privé mis à sa
disposition. Si donc il s’opposa avec la plus grande détermination au mouvement ‘hassidique, ce ne furent pas des raisons sociologiques ou communautaires qui le motivèrent,
mais bien des considérations théologiques fort complexes.
Très brièvement, avec les risques qu’entraîne toute tentative
de réduction, on peut synthétiser le conflit de la manière
suivante.
En se fondant sur le Zohar, qui affirme qu’il n’y a pas
d’espace libre de la Présence Divine, le ‘hassidisme voyait
dans l’homme un non-être, entièrement confondu dans le
Flux Divin. Et selon ce concept, toute impression de finitude dégagée par le créé est en réalité un leurre, un trompe-l’œi…
Date de mise en ligne : 04/01/2016