Est-il possible d’évaluer la part des Africains dans les constructions historiques de la période coloniale ? La question est à la fois importante et délicate, d’autant que le discours scientifique colonial sur l’Afrique est apparu à bon droit comme un « savoir sans les Africains ». Plusieurs travaux ont abordé ce problème de la participation à portion congrue des « indigènes » dans l’élaboration des sciences coloniales, soulignant la nécessité d’une enquête approfondie sur ces acteurs et ces auteurs africains de l’histoire intellectuelle, sur ces « voix africaines » auxquelles « le rapport de domination et la construction du lien entre savoir et pouvoir assignent […] des positions spécifiques qui engagent des processus complexes de collaboration et de résistance ».
La réflexion collectivement engagée sur les réseaux de savoir en situation coloniale n’a pas éludé cet aspect des choses et plusieurs chercheurs ont envisagé la question selon des angles d’attaque fructueux, prenant notamment comme fil rouge le statut des « informateurs » dans la production savante. Comme le note par exemple Lynette Schumaker, qui réfléchit à la notion de terrain dans les sciences sociales africanistes :
« The history of colonial science in Africa has suffered from too sharp dichotomy between the external and the indigenous, science being viewed as a European import more or less successfully transferred into a hostile environment […]. The field science perspective brings to the history of colonial science in Africa the ability to ground that science in its African context and thus to understand what is African about science in Africa…
Date de mise en ligne : 03/10/2018