Lorsque Nadia, une jeune Tchétchène hébergée en centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA), montre à l’intervenante les certificats délivrés par son médecin qui indiquent la nécessité de suivre un traitement alimentaire particulier et de se rendre à l’hôpital de façon régulière, l’assistante sociale lui demande sur un ton badin : « C’est des vrais ou vous racontez n’importe quoi ? » Elle me confiera ensuite ses doutes vis-à-vis de cette demandeuse d’asile et de son mari. Elle se demande même « s’ils sont de vrais réfugiés ». Un peu plus tard dans la journée, dans un autre bureau du CADA, Aimé, un demandeur d’asile congolais, prend congé de l’intervenante qui l’aide à rédiger son recours contre une première décision de rejet de l’Office français des réfugiés et des apatrides (OFPRA). Pendant qu’elle range la photocopie du document apporté par le demandeur d’asile attestant une condamnation à six mois de prison dans son pays d’origine, l’intervenante me dit : « C’est probablement un faux, mais bon, peu importe, ce n’est pas à moi de voir ça. »
Les commentaires de la première intervenante concernant les certificats de Nadia ne semblent pas, à première vue, très différents de ce que l’on entend habituellement dans les discours des hommes politiques et dans les médias quant à l’existence de « faux réfugiés ». Ces propos témoignent de la suspicion qui pèse sur la véracité de l’histoire racontée à l’origine de l’exil. La phrase prononcée par la deuxième intervenante concernant le document d’Aimé est différente : s’il existe un doute (sur l’authenticité d’une preuve), il n’est pas au cœur des pratiques d’accueil et ne conduit pas nécessairement à disqualifier le demandeur d’asile…