L’historien britannique Richard Grove a été le premier à montrer que l’écologisme et le capitalisme sont nés l’un avec l’autre. Sainte-Hélène, Maurice, les Mascareignes ; les Européens découvrent ces îles du « paradis » au xvie siècle et depuis le xviie siècle, ils les exploitent pour ravitailler en eau, en bois et en nourriture les navires des Compagnies des Indes britannique, portugaise ou française. Cette mise en culture des terres entraîne la déforestation, épuise des sols et c’est face à cela que sont mises en place, au xviiie siècle, les premières mesures écologiques, parmi lesquelles des enclosures de la conservation*, les ancêtres des aires protégées. Un processus relativement similaire se déroule ensuite en Afrique, à la fin du xixe siècle. De la destruction naît l’impératif de protection.
À cette période, la colonisation intensifie le commerce d’ivoire au point que les chasseurs européens et leurs auxiliaires africains abattent près de 65 000 éléphants par an. La prédation est partout : l’agriculture exportatrice provoque le déboisement de 94 millions d’hectares de forêts entre 1850 et 1920, soit quatre fois plus qu’au siècle précédent ; dans toute l’Afrique, les ouvriers du chemin de fer chassent pour se nourrir le long du rail ; un naturaliste allemand peut tuer et envoyer jusqu’à soixante zèbres par mois à son Muséum d’histoire naturelle ; et les administrateurs coloniaux se délectent de la chasse sportive, qui leur permet d’exprimer leur masculinité et leur capacité à dominer l’environnement…