La question de l’utilité et des usages sociaux de l’art (Jeudy, 1999) s’est posée tout particulièrement au xxe siècle. Sortant d’une emprise religieuse et politique, l’histoire de l’art est aussi celle de tentatives successives d’affranchissement vis-à-vis d’une instance dominante, que ce soit le clergé, un prince, un régime totalitaire ou le marché. Le xxe siècle à lui seul est témoin de ces diverses instrumentations : l’art est tour à tour faire-valoir, méthode de création révolutionnaire visant à guider les peuples dans le régime soviétique, ou art condamné, vilipendé pour son caractère « dégénéré » dans l’Allemagne nazie (Golomstock, 1991). Contre ces carcans politiques, l’art occidental contemporain se définit par son caractère volontairement subversif par rapport aux règles de l’art et celles de la société, à tel point que cela devient la condition même de la subvention publique (Roschlitz, 1994). L’art démontre ainsi sa dimension publique et collective, politique et contestataire.
Alors qu’on ne compte plus les études consacrées aux rapports esthétiques entre art et politique chez les individus ou au sein des courants artistiques particuliers, à l’inverse, les engagements collectifs d’artistes, les emprunts esthétiques et les récupérations militantes de l’art ont été peu traités. De fait, les mobilisations d’artistes sont aussi présentes en politique qu’elles ont été, jusqu’à récemment, absentes des études sociologiques des mouvements sociaux. Loin de cette dichotomie entre artistes et militants, les modalités de ces relations se distribuent selon u…