Le concept de « geste » – étym. lat. gestum, action ou mouvement du corps pour faire ou signifier quelque chose – met l’accent sur la corporéité des acteurs dans l’activité. L’emballement actuel du terme n’est pas sans poser de difficultés ; nous y reviendrons en seconde partie.
Différents courants théoriques ont étudié la part du corps dans l’agir humain en termes de gestes. En anthropologie et sociologie, les travaux de Mauss (1950) sur les techniques du corps décrivent les actes traditionnels de la vie quotidienne et mettent en lumière leur aspect performatif. Les façons de porter, marcher, par exemple, s’expliquent, certes, par des aspects physiologiques mais aussi par les milieux de vie.
Du côté philosophique, Merleau-Ponty (1960) conceptualise le corps comme ouverture originaire au monde. Dans cette approche phénoménologique, le corps permet au sujet d’appréhender l’environnement comme un phénomène qu’il investit subjectivement. La corporéité du sujet, dépositaire des expériences passées, exprime le rapport au monde du sujet, qu’autrui peut percevoir, interpréter. Ainsi, en tant que mouvement du corps, le geste ne se réduit pas à un objet de connaissance technique, il est situé dans un espace intersubjectif et, par conséquent, ouvert aux interprétations symboliques des acteurs. Les dimensions biographiques, expérientielles, perceptives, émotionnelles, tactiques incorporées par les acteurs s’expriment à travers les mouvements du corps. Depuis le courant de l’anthropologie historique, Gebauer et Wulf (2004) considèrent que le concept de mimésis sociale permet de comprendre l’agir humain comme un processus dynamique de remodelage incessant d’actes, de pratiques héritées, incorporées, combinées, transformées…