J’ouvre la porte à une femme. Je l’avais imaginée différente, lors de notre entretien téléphonique. D’ailleurs, elle m’avait contactée en ayant soin de répandre autour d’elle un halo de mystère. Elle avait refusé de me dire qui lui avait donné mon adresse. Bizarrement, une fois le rendez-vous fixé, j’en avais vite oublié la date, ce qui m’avait obligée à la rappeler. J’avoue que cette réaction contre-transférentielle si précoce avait éveillé ma curiosité et je l’attendais – je peux le dire maintenant – avec un certain amusement.
Petite, brune, maladroite, d’à peu près 50 ans (elle me dit ensuite qu’elle en avait 49), habillée sans goût, mêlant un style impersonnel à celui qui aurait pu convenir à une très jeune fille, il y avait en elle quelque chose d’inquiétant, d’incongru. Elle souriait. Trop, me suis-je dit, pendant que je me rendais compte à l’improviste, que, sans aucune raison apparente, par moments, elle me faisait peur. Drôle de réaction de ma part, tout à fait opposée au sentiment que j’avais affiché en l’attendant.
Elle me dit tout de suite qu’elle n’avait aucune confiance dans la psychanalyse, mais qu’elle était venue me voir pour avoir un conseil. Je lui demande à nouveau par qui elle m’avait été adressée. Elle répond, avec un demi-sourire (encore !) qu’elle a regardé sur Internet ; pourtant, pendant l’entretien, je découvrirai qu’elle connaît beaucoup de choses sur la spi (Société psychanalytique italienne) et peut-être même sur beaucoup de mes collègues…