Papier, crayon, écran, touches, ça change quoi ? L’espace d’une inscription est vierge et blanc, d’un blanc où la pureté est en attente de défloraison, de déchirure, en attente d’un partenaire d’abord muet. Blanc d’une invitation aussi bien que d’une timidité. Mais déjà une activité silencieuse s’organise, une agitation s’opère au fond de soi, ou plutôt un remue-ménage. On fait le ménage, élimine le superflu pour laisser la place à quelques mots déclencheurs d’une ou deux idées, guère plus. Ça sert à quoi, ça change quoi ? Peut-être déjà à se sentir en vie, envie de pouvoir dire une petite chose de son existence, l’entendre en silence ou avec fracas en soi, la dire et la passer à quelqu’un sans savoir exactement à qui. Donner vie à la feuille ou à l’écran est, dès le premier mot, choisir un interlocuteur et laisser surgir une adresse. Alors on respire, on n’est plus seul, et d’autres angoisses plus modestes prennent leur place, dans le genre : est-ce que ça va lui plaire ?
Le blanc de la solitude se déchire quelque peu mais refait son apparition à chaque panne de la pensée. Le blanc reprend ses droits puisque, au fond, il est ineffaçable. Il est la seule couleur ineffaçable, le fond du fond.
L’homme est toujours un homme blanc même le Noir ou le Jaune. Pas blanc comme neige mais blanc comme seul depuis toujours en dépit des efforts, des luttes, des tentatives pas nécessairement désespérées pour briser la solitude dans le meilleur des cas, pour la (dé)nier, au pire. Écrire u…