Le risque est, nous l'avons vu, la construction sociale – et souvent assurantielle – d'un danger repéré et estimé dans sa double composante de probabilité et d'enjeu. Et on peut diviser son étude en deux branches : d'abord le risque tel que les experts scientifiques et les assureurs le constituent et le calculent ; ensuite le risque tel que l'individu qui vit avec – au quotidien ou exceptionnellement – le perçoit. Dans le premier cas, on l'appellera « risque objectivé », puisqu'il est le fruit d'un travail d'objectivation (certes jamais parfait, jamais terminé…) par l'évaluation conjointe de sa probabilité de survenue et des dommages potentiels. Dans le second cas, il sera nommé risque « perçu », et renverra à la façon dont ceux qui le subissent le mettent plus ou moins à distance (physiquement et psychiquement), composent avec lui, en font eux aussi une estimation approximative.
C'est la non-correspondance entre ces deux faces du risque, l'écart entre ce qui est objectivé et ce qui est subjectivement perçu, qui sera l'objet de ce chapitre. On essaiera de comprendre ce qui déforme notre perception des dangers qui nous entourent. Est-ce notre être physique, produit génétique de l'évolution de l'espèce, qui est mal équipé pour bien percevoir le monde dans lequel nous vivons ? Sont-ce notre culture et notre milieu social qui ont déformé et modelé notre modèle perceptif et nos facultés d'analyse ? Est-ce notre histoire singulière – celle qui fait de nous un être partiellement différent de ceux qui partagent notre époque, notre culture, notre milieu social – qui est cause de cette déformation …
Date de mise en ligne : 10/01/2020