Être noir n’est ni une essence ni une culture, mais le produit d’un rapport social : il y a des Noirs parce qu’on les considère comme tels. Mais il existe, au sein de cette catégorie historiquement construite, des sousgroupes caractérisés par des peaux plus ou moins foncées et qui ont pu faire l’objet de traitements différenciés. La question des nuances de couleur de peau au sein des populations noires est importante du point de vue des hiérarchies sociales. On propose d’utiliser le terme de « colorisme », traduit de l’anglais américain colorism, pour référer à ces nuances et à leurs perceptions sociales. Une réflexion sur le colorisme permet alors de nuancer l’opposition « noir »/« blanc », certes fondamentale dans les imaginaires racialisés, mais qui ne rend pas compte, à elle seule, des hiérarchies sociales induites par la racialisation. H. Rap Brown écrit que la première chose dont l’homme noir est conscient « est que vous êtes différent des Blancs. L’autre chose que vous apprenez est que vous êtes différents les uns des autres. Vous êtes nés dans un monde à double échelle de valeurs où la couleur est de première importance. Dans votre communauté, il existe une hiérarchie de couleurs qui est semblable à celle des Blancs, et qui est donc renforcée de chaque côté. Les noirs à peau claire croient qu’ils sont supérieurs et les Noirs à peau plus sombre leur permettent d’agir selon cette croyance ».
Par contraste avec les États-Unis où historiens et sociologues se penchent depuis longtemps sur la question, en France, le colorisme contemporain n’a pas fait à notre connaissance l’objet de travaux…