Selon l’essayisme social, les sociétés modernes se caractériseraient par une perte des repères moraux qui aurait été déclenchée par « 1968 » et aggravée par la globalisation. Une enquête d’importance historique par son ampleur montre qu’il n’en est rien. Elle illustre le rôle critique que peut jouer la sociologie.
La sociologie offre deux thèses contrastées à propos du changement moral dans les sociétés contemporaines. Les penseurs de la « postmodernité » développent la thèse qu’elles sont habitées par un principe unique : celui du chacun pour soi. Ainsi, selon Zygmunt Baumann (2008), l’homme moderne habiterait des sociétés pétries d’individualisme et d’utilitarisme. Cela, Tocqueville l’avait déjà dit. Mais Baumann pose un diagnostic beaucoup plus sévère, à savoir que les points de repère moraux, philosophiques, spirituels et politiques auraient, sous l’effet de la globalisation, disparu des sociétés modernes ou en tout cas seraient définis au gré du caprice changeant des individus, des conjectures et des structures sociales et politiques. Au point que l’on peut qualifier les sociétés présentes de « liquides », un terme qui revient de façon obsessionnelle dans les derniers livres de Baumann.
Par contraste, les sociologues classiques, comme Weber et Durkheim, dont les théories apparaissent comme convergentes sur ce point comme sur beaucoup d’autres, ont développé une variante bien tempérée de l’évolutionnisme pour rendre compte des tendances séculaires qu’on observe notamment dans les sociétés occidentales, s’agissant des valeurs morales, politiques, sociales ou religieuses…
Date de mise en ligne : 10/11/2016